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Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/57

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au fond des caves d’ellora.

ment favorable, au milieu de cette montagneuse région des Vindhyas où le ferment de la révolte est toujours prêt à lever !

— En route ! répondit Balao Rao. Ah ! ils ont promis deux mille livres à qui s’emparerait de toi ! Mais il ne suffit pas de mettre une tête à prix, il faut la prendre !

— Ils ne la prendront pas, répondit Nana Sahib. Viens sans perdre un instant, frère, viens ! »

Balao Rao s’avança d’un pas assuré à travers l’étroit couloir qui conduisait à ce réduit obscur, creusé sous le pavé du temple. Lorsqu’il fut arrivé à l’orifice que cachait la croupe de l’éléphant de pierre, il avança prudemment la tête, regarda dans l’ombre, à droite et à gauche, constata que les abords étaient déserts, et se hasarda au dehors. Par surcroît de précaution, il fit une vingtaine de pas sur l’avenue qui se développait suivant l’axe du temple ; puis, n’ayant rien aperçu de suspect, il poussa un sifflement, indiquant au Nana que la route était libre.

Quelques instants après, les deux frères quittaient cette vallée artificielle, longue d’une demi-lieue, qui est toute trouée de galeries, de voûtes, d’excavations, étagées en de certains endroits jusqu’à une grande hauteur. Ils évitèrent de passer près de ce mausolée mahométan qui sert de bungalow aux pèlerins ou aux curieux de toutes nationalités, attirés par les merveilles d’Ellora ; enfin, après avoir contourné le village de Rauzah, ils se trouvèrent sur la route qui relie Adjuntah et Boregami.

La distance à parcourir, d’Ellora à Adjuntah, était de cinquante milles (80 kilomètres environ) ; mais le Nana n’était plus alors ce fugitif qui s’évadait à pied d’Aurungabad, et sans moyen de transport. Ainsi que Balao Rao l’avait dit, trois chevaux l’attendaient sur la route, gardés par l’Indou Kâlagani, fidèle serviteur de Dandou-Pant. Ces chevaux avaient été cachés dans un bois épais, à un mille du village. L’un était destiné au Nana, l’autre à Balao Rao, le troisième à Kâlagani, et bientôt ils galopaient tous trois dans la direction d’Adjuntah. Personne, d’ailleurs, ne se fût étonné de voir un faquir à cheval. En effet, bon nombre de ces effrontés mendiants demandent l’aumône du haut de leur monture.

Au surplus, la route était peu fréquentée à cette époque de l’année, moins favorable aux pèlerinages. Le Nana et ses deux compagnons allaient donc rapidement sans avoir rien à craindre qui eût pu les gêner ou les retarder. Ils ne prenaient que le temps de faire souffler leurs bêtes, et, pendant ces courtes haltes,