Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tel fut l’intéressant numéro de cette cérémonie, le second du programme après le premier, qui comprenait les exercices épulatoires.

Le troisième devait se renfermer dans la proclamation des lauréats du concours de Sigmaringen.

On ne l’a point oublié, les pêcheurs devaient être classés en deux catégories distinctes, et des prix, distincts également, étaient réservés à chaque catégorie.

Les premiers étaient attribués à ceux de ces chevaliers de la gaule qui auraient pêché le plus grand nombre de poissons pendant les heures du concours. Les seconds récompenseraient ceux qui auraient levé les plus grosses pièces avec leurs lignes. Il pouvait se faire d’ailleurs, que ce double résultat eût été acquis par le même concurrent, heureux vainqueur du poids et du nombre.

Chacun attendait donc avec une anxiété bien naturelle, car, ainsi qu’il a été dit, le secret du jury avait été gardé. Mais le moment était venu où il allait se révéler enfin.

Le président Miclesco prit le papier officiel, une sorte de palmarès, qui comprenait la liste des lauréats des deux catégories.

Par suite d’une habituelle méthode, conforme d’ailleurs aux statuts de la Société, les prix de moindre valeur allaient être proclamés les premiers. L’intérêt devait donc s’accroître avec la lecture du palmarès, et même des paris s’engageaient sur les noms de tels ou tels. Il est même probable, en Amérique tout au moins, que ces paris seraient montés à de grosses sommes comme s’il se fût agi de la Présidence des États-Unis.

Les lauréats des prix inférieurs dans la catégorie du nombre se présentèrent devant l’estrade, et le président leur donnait l’accolade à laquelle il joignait un diplôme et une somme d’argent variable suivant le rang obtenu.

Les poissons qui avaient été réunis dans les filets, après décompte, étaient de ceux que tout pêcheur peut prendre indistinctement dans les eaux du Danube, épinoches, gardons, goujons, plies, perches, tanches, brochets, chevesnes et autres. Valaques, Hongrois, Badois, Wurtemburgeois figuraient dans la nomenclature de ces prix inférieurs. Bien que le jury eût fonctionné avec parfaite justice, bien qu’on ne pût lui reprocher ni partialité ni passe-droits, quelques réclamations se produisirent cependant. À propos du troisième prix, pour lequel un Moldave et un Serbe étaient déclarés ex-æquo, le nombre de poissons pêchés étant le même, une discussion, qui ne tarda pas à dégénérer en dispute violente, mit les deux lauréats aux prises. Ils avaient été voisins de place ; leurs scions et leurs flottes s’étaient embrouillés. Ils prétendaient que le jury avait compté

19