Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/61

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— À moins que Krusch et Latzko ne fassent qu’un…

— Vous voulez rire ?…

— Eh ! ma foi, qui sait ?… »

En entendant ces propos, sans importance, à coup sûr, ce qu’on appelle des propos en l’air, M. Jaeger avait vivement relevé la tête. Mais il eut comme un imperceptible mouvement d’épaule, et acheva son déjeuner sans avoir prononcé une parole.

Vers midi et demie, M. Jaeger, ayant réglé sa note à l’hôtel, s’engageait à travers les rues qui redescendent vers le quai. De visiter les hauts quartiers de la ville, il se souciait peu sans doute, et il paraissait plutôt attiré par le mouvement fluvial qui est assez considérable à Rastisbonne. Il est rare, cependant, que les étrangers négligent de parcourir le faubourg de Stadt-am-Hof, annexe de la cité. Mais ce ne fut point pour attirer M. Jaeger, et il revint vers la rive.

Arrivé en cet endroit, au lieu de rejoindre Ilia Krusch, qui, sa vente effectuée, devait être dans la barge, il prit par le pont, et se transporta sur la rive droite du fleuve.

Là étaient amarrés un certain nombre de chalands, dont quelques-uns se disposaient à partir. Plusieurs même, à la file les uns des autres, prirent la remorque d’un remorqueur, et continuèrent leur navigation vers le haut cours du Danube.

Mais il ne semblait pas que ceux-ci dussent intéresser M. Jaeger. Les bateaux qu’il observait toujours avec une extrême attention, c’étaient ceux qui étaient à destination du bas cours.

Il y en avait là une demi-douzaine d’une contenance à pourvoir porter une centaine de tonnes. C’est tout au plus s’ils calaient trois ou quatre pieds, ce qui leur rendait accessibles même les passes les moins profondes, étroitement resserrées parfois entre les îles et les rives.

M. Jaeger resta là deux grandes heures, observant ce qui se faisait à bord de ces chalands, les chargeurs qui apportaient de nouveaux colis pour compléter la cargaison, les derniers préparatifs de ceux qui allaient quitter Ratisbonne dans l’après-midi.

Du reste, le va-et-vient était assez animé sur le quai, et sans parler des auxiliaires de la batellerie, nombre de curieux allaient et venaient.

Parmi ces spectateurs, il s’en trouvait quelques-uns qui n’avaient point été amenés là par un simple sentiment de curiosité. On reconnaissait facilement au milieu des groupes certains agents de la police des douanes. M. Jaeger ne s’y trompa point. Il ne pouvait ignorer d’ailleurs que, depuis la réunion de la Commission internationale, les plus sévères mesures avaient

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