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de douze hommes vers le confluent. À suivre la même route sur le convoi, il devait nécessairement le rencontrer.

Le chef prit immédiatement le seul parti qu’il y eût à prendre : rester dans la clairière, ne point trahir sa présence, laisser passer l’escouade, la faire suivre même à bonne distance de manière à ne point être aperçu, s’assurer si elle occuperait ou non les approches du confluent : si oui, remettre à plus tard l’embarquement de ses marchandises, si non, ne rien changer aux projets et conduire les charrettes à la crique de Kordak. La distance n’était pas telle qu’il ne pût au besoin se rendre compte par lui-même des opérations de Karl Dragoch.

Or, déjà l’escouade avait dépassé l’allée par laquelle on pénétrait dans la clairière, lorsqu’un incident vint modifier la situation du tout au tout.

Un des chevaux, effrayé par ce passage d’hommes sur la route, s’ébroua et poussa un long hennissement qui fut répété par les autres.

Karl Dragoch et ses agents s’arrêtèrent aussitôt. La retraite du convoi était découverte. Une lutte allait certainement s’engager, et on se prépara à la soutenir.

« Halte ! » avait crié Karl Dragoch à ses hommes, qui se réunirent autour de lui.

Et alors, s’avançant jusqu’à l’entrée de la clairière :

« Qui est là ?… » cria-t-il.

Pas de réponse.

Un de ses agents fit alors pétiller une allumette et enflamma une torche de résine qu’il tenait à la main.

Si, à cette insuffisante clarté, on ne put se reconnaître de part et d’autre, elle avait permis au chef de police d’apercevoir les deux charrettes derrière lesquelles se groupait un certain nombre d’hommes.

« Qui êtes-vous ? cria de nouveau Karl Dragoch.

— Qui êtes-vous, vous-mêmes ? lui fut-il répondu.

— Nous sommes des agents de la police… Ces charrettes que l’on cache ne peuvent renfermer que la contrebande, et ceux qui les escortent ne peuvent être que des contrebandiers ! »

Pas de réponse.

« Nous allons emmener ces charrettes », dit une dernière fois Karl Dragoch.

Il entra dans la clairière, suivi de son escouade, sans avoir pu observer que les fraudeurs auraient l’avantage du nombre — une vingtaine d’hommes contre douze.

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