Page:Verne - Le Château des Carpathes.djvu/169

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Peu importait ! Une seconde eût suffi à Franz pour la reconnaître, et ces mots lui échappèrent :

« Elle… elle… vivante ! »

XII

Était-ce possible ? La Stilla, que Franz de Télek ne croyait jamais revoir, venait de lui apparaître sur le terre-plein du bastion !… Il n’avait pas été le jouet d’une illusion, et Rotzko l’avait vue comme lui !… C’était bien la grande artiste, vêtue de son costume d’Angélica, telle qu’elle s’était montrée au public à sa représentation d’adieu au théâtre San-Carlo !

L’effroyable vérité éclata aux yeux du jeune comte. Ainsi, cette femme adorée, celle qui allait devenir comtesse de Télek, était enfermée depuis cinq ans au milieu des montagnes transylvaines ! Ainsi, celle que Franz avait vue tomber morte en scène, avait survécu ! Ainsi, tandis qu’on le rapportait mourant à son hôtel, le baron Rodolphe avait pu pénétrer chez la Stilla, l’enlever, l’entraîner dans ce château des Carpathes, et ce n’était qu’un cercueil vide que toute la population avait suivi, le lendemain, au Campo Santo Nuovo de Naples !

Tout cela paraissait incroyable, inadmissible, répulsif au bon sens. Cela tenait du prodige, cela était invraisemblable, et Franz aurait dû se le répéter jusqu’à l’obstination… Oui !… mais un fait dominait : la Stilla avait été enlevée par le baron de Gortz, puisqu’elle était dans le burg !… Elle était vivante, puisqu’il venait de la voir au-dessus de cette muraille !… Il y avait là une certitude absolue.