Page:Verne - Le Château des Carpathes.djvu/199

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dates fixes tout ce qui était nécessaire à l’existence du baron Rodolphe et de son compagnon.

En réalité, ce qui restait du burg, — et notamment le donjon central, — était moins délabré qu’on ne le croyait et même plus habitable que ne l’exigeaient les besoins de ses hôtes. Aussi, pourvu de tout ce qu’il fallait pour ses expériences, Orfanik put-il s’occuper de ces prodigieux travaux dont la physique et la chimie lui fournissaient les éléments. Et alors l’idée lui vint de les utiliser en vue d’éloigner les importuns.

Le baron de Gortz accueillit la proposition avec empressement, et Orfanik installa une machinerie spéciale, destinée à épouvanter le pays en produisant des phénomènes, qui ne pouvaient être attribués qu’à une intervention diabolique.

Mais, en premier lieu, il importait au baron de Gortz d’être tenu au courant de ce qui se disait au village le plus rapproché. Y avait-il donc un moyen d’entendre causer les gens sans qu’ils puissent s’en douter ? Oui, si l’on réussissait à établir une communication téléphonique entre le château et cette grande salle de l’auberge du Roi Mathias, où les notables de Werst avaient l’habitude de se réunir chaque soir.

C’est ce que Orfanik effectua non moins adroitement que secrètement dans les conditions les plus simples. Un fil de cuivre, revêtu de sa gaine isolante, et dont un bout remontait au premier étage du donjon, fut déroulé sous les eaux du Nyad jusqu’au village de Werst. Ce premier travail accompli, Orfanik, se donnant pour un touriste, vint passer une nuit au Roi Mathias, afin de raccorder ce fil à la grande salle de l’auberge. On le comprend, il ne lui fut pas difficile d’en ramener l’extrémité, plongée dans le lit du torrent, à la hauteur de cette fenêtre de la façade postérieure qui ne s’ouvrait jamais. Puis, ayant placé un appareil téléphonique, que cachait l’épais fouillis du feuillage, il y rattacha le fil. Or, cet appareil étant merveilleusement disposé pour émettre comme pour recueillir les sons, il s’en suivit que le baron de Gortz pouvait entendre tout