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journal du passager j.-r. kazallon.

que de quelques jours seulement, de quelques heures peut-être, ses compagnons dans la mort. On le sait, on ne s’effraye pas de mourir. Mais ne plus souffrir de cette faim pendant un jour ou deux, ne plus ressentir cette soif, voilà ce qu’on veut, et voilà ce qui sera.

Je ne puis dire comment chacun de nos noms s’est trouvé au fond d’un chapeau. Ce ne peut être que Falsten qui les ait écrits sur une feuille détachée de son carnet.

Les onze noms sont là. Il est convenu, sans discussion, que le dernier nom sortant désignera la victime.

Qui procédera au tirage ? Il y a une sorte d’hésitation.

« Moi ! » répond l’un de nous.

Je me retourne, et je reconnais M. Letourneur.

Il est là, debout, livide, la main étendue, ses cheveux blancs tombant sur ses joues amaigries, effrayant par son calme.

Ah ! malheureux père ! Je te comprends ! Je sais pourquoi tu veux appeler les noms ! Ton dévouement paternel ira jusque-là !

« Quand vous voudrez ! » dit le bosseman.

M. Letourneur plonge la main dans le chapeau. Il prend un billet, il le déplie, il prononce à haute voix le nom qui est écrit sur le billet, et il le passe à celui que ce nom désigne.

Le premier nom sorti, c’est celui de Burke, qui pousse un cri de joie.

Le second, celui de Flaypol.

Le troisième, celui du bosseman.

Le quatrième, celui de Falsten.

Le cinquième, celui de Robert Kurtis.

Le sixième, celui de Sandon.

La moitié des noms, plus un, ont été appelés.

Le mien n’est pas sorti. Je cherche à calculer les chances qui me restent : quatre bonnes, une mauvaise.

Depuis que Burke a poussé son cri, pas un mot n’a été proféré.

M. Letourneur continue son sinistre office.

Le septième nom, c’est celui de miss Herbey, mais la jeune fille n’a pas tressailli.

Le huitième nom, c’est le mien. Oui ! le mien !

Le neuvième nom :

« Letourneur !

— Lequel ? demande le bosseman.