Page:Verne - Le Chancellor - Martin Paz, Hetzel, 1876.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
martin paz.

paraient sa demeure, selon la coutume espagnole, avaient été somptueusement restaurées ; les tentures les plus riches retombaient en larges plis aux fenêtres et aux portes de l’habitation ; les meubles sculptés, en bois précieux ou odoriférants, s’entassaient dans de vastes salons imprégnés d’une bienfaisante fraîcheur ; les arbustes rares, les productions des terres chaudes serpentaient le long des balustrades et des terrasses.

La jeune fille, cependant, n’avait plus d’espoir, puisque le Sambo n’en avait pas, et le Sambo n’espérait plus, puisqu’il ne portait pas à son bras le signe de l’espérance ! Liberta avait épié les démarches du vieil Indien… il n’avait rien pu découvrir.

Ah ! si la pauvre Sarah eût pu suivre les mouvements de son cœur, elle se fût réfugiée dans un couvent pour y finir sa vie ! Poussée par un irrésistible attrait vers les dogmes du catholicisme, secrètement convertie par les soins du père Joachim, elle s’était ralliée à cette religion qui sympathisait si bien avec les croyances de son cœur.

Le père Joachim, afin d’éviter tout scandale, et, d’ailleurs, lisant plus son bréviaire que le cœur humain, avait laissé Sarah croire à la mort de Martin Paz. La conversion de la jeune fille lui importait avant tout, et, la voyant assurée par son union avec André Certa, il tâchait de l’habituer à ce mariage, dont il était loin de soupçonner les conditions.

Enfin ce jour, si joyeux pour les uns, si triste pour les autres, était arrivé. André Certa avait convié la ville entière à la soirée nuptiale, mais ses invitations furent sans résultat vis-à-vis des familles nobles, qui s’excusèrent par des motifs plus ou moins plausibles.

Cependant l’heure était venue, à laquelle le contrat devait être signé, et la jeune fille ne paraissait pas…

Le Juif Samuel était en proie à un secret mécontentement. André Certa fronçait le sourcil d’une façon peu patiente. Une sorte d’embarras se peignait sur le visage des invités, tandis que des milliers de bougies, reflétées par les glaces, remplissaient les salons d’éclatantes lumières.

Au-dehors, dans la rue, un homme errait dans une anxiété mortelle : c’était le marquis don Végal.