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journal du passager j.-r. kazallon.

côtes des continents et des îles, le phénomène sera curieux à observer, car la lune nouvelle soulèvera les masses d’eau à une hauteur considérable.

Je suis seul sur la dunette. MM. Letourneur sont descendus pour le thé, et j’attends le second.

À huit heures, Robert Kurtis vient prendre le quart, que lui cède le lieutenant Walter, et je vais lui serrer la main.

Avant de me souhaiter le bonjour, Robert Kurtis jette rapidement un regard sur le pont du navire, et ses sourcils se froncent légèrement. Puis, il examine l’état du ciel et la voilure du bâtiment.

Se rapprochant ensuite du lieutenant Walter :

« Le capitaine Huntly ? demande-t-il.

— Je ne l’ai pas encore vu, monsieur.

— Rien de nouveau ?

— Rien. »

Puis, Robert Kurtis et Walter s’entretiennent pendant quelques instants à voix basse.

À une question qui lui est posée, Walter répond par un signe négatif.

« Envoyez-moi le bosseman, Walter, » dit le second, au moment où le lieutenant le quitte.

Le bosseman ne tarde pas à paraître, et Robert Kurtis lui fait quelques demandes, auxquelles celui-ci répond à voix basse, mais en hochant la tête. Puis, sur un ordre du second, le bosseman appelle la bordée de quart et fait arroser les prélarts qui recouvrent le grand panneau.

Quelques instants après, je m’approche de Robert Kurtis, et notre conversation porte d’abord sur des détails insignifiants. Voyant que le second n’aborde pas le sujet que je veux traiter, je lui dis :

« À propos, monsieur Kurtis, que s’est-il donc passé cette nuit à bord ? »

Robert Kurtis me regarde attentivement sans répondre.

« Oui, ai-je repris, j’ai été réveillé par un bruit inaccoutumé, qui a aussi interrompu le sommeil de M. Letourneur. Que s’est-il passé ?

— Rien, monsieur Kazallon, répond Robert Kurtis. Un faux coup de barre du timonier a failli masquer le navire, et il a fallu brasser subitement, ce qui a causé une certaine agitation sur le pont. Mais le mal a été promptement réparé, et le Chancellor a repris immédiatement sa route. »

Il me semble que Robert Kurtis, si droit d’ordinaire, ne me dit pas la vérité.