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le chancellor.

d’abord par l’obstination insensée de Silas Huntly, puis par ce coup de vent de nord-ouest qui l’a obligé à fuir. En conséquence, le Chancellor devra naviguer encore pendant plus de huit cents milles, avant d’atteindre la côte la plus rapprochée.

Telle est la situation. Elle est grave, mais l’impression qui résulte de cette communication du capitaine n’est pas mauvaise, — en ce moment, du moins. Quels nouveaux dangers pourraient maintenant nous émouvoir, nous qui venons d’échapper aux menaces de l’incendie et de l’explosion ? On oublie que la cale du navire est envahie par l’eau, que la terre est éloignée, que le Chancellor, quand il reprendra la mer, peut sombrer en route… Mais les esprits sont encore sous l’impression des terreurs du passé, et, retrouvant un peu de calme, ils sont disposés à la confiance.

À présent, que va faire Robert Kurtis ? Tout simplement ce que le simple bon sens commande : éteindre complètement l’incendie, jeter à la mer tout ou partie de la cargaison, sans oublier la bonbonne de picrate, boucher la voie d’eau, et, le navire étant allégé, profiter d’une pleine mer pour quitter l’écueil le plus vite possible.

xvii

Suite du 30 octobre. — J’ai causé avec M. Letourneur de la situation qui nous est faite, et j’ai cru pouvoir lui assurer que notre séjour sur le récif serait court, si les circonstances nous favorisaient. Mais M. Letourneur ne semble pas partager mon avis.

« Je crains bien, au contraire, me répond-il, que nous ne soyons longtemps retenu sur ces roches !

— Et pourquoi ? ai-je repris. Quelques centaines de balles de coton à jeter par-dessus le bord, ce n’est pas là une besogne longue et difficile, et, en deux ou trois jours, elle peut être faite.

— Sans doute, monsieur Kazallon, cela se ferait rapidement, si, dès aujourd’hui, l’équipage pouvait se mettre à l’ouvrage. Mais il est absolument impossible de pénétrer dans la cale du Chancellor, car l’air y est irrespirable, et qui sait si plusieurs jours ne se passeront pas avant qu’on puisse y descendre, puisque la couche intermédiaire de la cargaison brûle encore ? D’ailleurs, une fois maîtres du feu, est-ce que nous serons en état de naviguer ? Non ! Il faudra