Page:Verne - Le Chancellor - Martin Paz, Hetzel, 1876.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
le chancellor.

C’est le 8 seulement que le déchargement du Chancellor a pu être utilement commencé. Les balles de coton étant noyées dans l’eau, dont la cale est remplie à mer haute, des palans sont installés au-dessus des panneaux, et nous donnons la main aux hommes de l’équipage pour hisser ces lourdes balles, qui sont pour la plupart absolument avariées. On les débarque une à une dans la baleinière, et elles sont transportées sur le récif.

Lorsque la première couche de la cargaison est ainsi enlevée, il faut songer à épuiser, en partie du moins, l’eau qui remplit la cale. De là, nécessité de boucher aussi hermétiquement que possible le trou que la roche a fait dans la coque du navire. Travail difficile, mais dont le matelot Flaypol et le bosseman s’acquittent avec un zèle au-dessus de tout éloge. Ils sont parvenus, à mer basse, en plongeant jusque sous la hanche de tribord, à clouer une feuille de cuivre sur le trou, mais comme cette feuille ne pourra supporter la pression lorsque le niveau intérieur baissera par l’action des pompes, Robert Kurtis essaye d’assurer l’obturation en entassant des balles de coton contre les bordages défoncés. La matière abonde, et bientôt le fond du Chancellor est comme matelassé par ces lourdes et imperméables balles, qui, on l’espère, permettront à la feuille de cuivre de mieux résister.

Le procédé du capitaine a réussi. On le voit bien dès que les pompes fonctionnent, car le niveau de l’eau baisse peu à peu dans la cale, et les hommes sont en mesure de continuer le déchargement.

« Il est donc probable, nous dit Robert Kurtis, que nous pourrons atteindre l’avarie et la réparer intérieurement. Certainement, il eût mieux valu abattre le navire en carène et changer les bordages, mais les moyens me manquent pour entreprendre une si grosse opération. Et puis, je serais retenu par la crainte que le mauvais temps n’arrivât pendant que le navire serait couché sur le flanc, ce qui le mettrait à la merci d’un coup de mer. Cependant, je crois devoir vous donner l’assurance que la voie d’eau sera convenablement bouchée et que nous pourrons, avant peu, essayer de gagner la côte dans des conditions suffisantes de sécurité. »

Après deux jours de travail, l’eau a été en grande partie épuisée, et le déchargement des dernières balles de la cargaison s’est fait sans encombre. Nous avons dû manœuvrer les pompes à notre tour afin de soulager l’équipage, et nous l’avons fait consciencieusement. André Letourneur, malgré son infirmité, s’est joint à nous, et chacun, selon ses forces, a fait son devoir.

Et cependant, c’est un travail fatiguant que celui-là ; nous ne pouvons le continuer longtemps sans prendre du repos. Les bras et les reins sont