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le chancellor.

Le charpentier calfate aussi les coutures extérieures des bordages dans la partie de la coque qui émerge à marée basse ; mais il ne peut visiter celle que l’eau recouvre même à l’heure de la basse mer, et il doit se contenter de faire un radoubage à l’intérieur.

Ces divers travaux durent jusqu’au 20. Ce jour-là, ayant fait tout ce qu’il était humainement possible de faire pour réparer son navire, Robert Kurtis se décide à le remettre à la mer.

Il va sans dire que, depuis le moment où la cale a été vidée de la cargaison et de l’eau qu’elle contenait, le Chancellor n’a cessé de flotter, même avant le plein de la marée. Comme précaution a été prise de l’ancrer par l’avant et par l’arrière, il n’a pas été porté sur le récif, et il est demeure dans ce petit bassin naturel, défendu à droite et à gauche par les roches qui ne couvrent pas, même au plus haut du flux. Or, il se trouve que ce bassin, dans sa partie la plus large, peut permettre au Chancellor d’évoluer cap pour cap, et cette manœuvre se fait aisément au moyen d’aussières qui ont été fixées sur l’écueil, de telle sorte que le bâtiment présente maintenant l’avant au sud.

Il semble donc qu’il sera facile de dégager le Chancellor, soit en hissant ses voiles, si le vent est bon, soit en le touant jusqu’en dehors de la passe, si le vent est contraire. Cependant, l’opération présente quelques difficultés auxquelles il faudra parer.

En effet, l’entrée de la passe est barrée par une sorte de radier basaltique, au-dessus duquel, à mer haute, il reste à peine la hauteur d’eau nécessaire pour le tirant du Chancellor, bien qu’il soit entièrement délesté. S’il a passé par-dessus ce radier, avant son échouement, c’est, je le répète, parce qu’il a été enlevé par une lame énorme et rejeté dans le bassin. D’ailleurs, ce jour-là, c’était non-seulement une marée de nouvelle lune, mais aussi la plus considérable de l’année, et plusieurs mois doivent s’écouler avant qu’une marée équinoxiale aussi forte se reproduise.

Or, il est bien évident que Robert Kurtis ne peut attendre plusieurs mois. C’est aujourd’hui une grande mer de syzygie, il faut qu’il en profite pour dégager son navire ; puis, une fois hors du bassin, il le lestera de manière qu’il puisse porter de la toile, et il fera route.

Précisément, le vent est bon, car il souffle du nord-est, et, par conséquent, dans la direction de la passe. Mais le capitaine, avec raison, ne se soucie pas de lancer à toutes voiles et contre un obstacle qui peut l’arrêter net, un bâtiment dont la solidité est maintenant fort problématique. Donc, après avoir conféré avec le lieutenant Walter, le charpentier et le bosseman, il se décide à touer le