Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/108

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s’ouvrait sur le chemin. Là, je pus faire donner le fourrage à mes chevaux.

Nous restâmes trois grandes heures en cet endroit. Pendant cette première journée de voyage, il me paraissait prudent de ménager nos bêtes, de manière à ne point les compromettre en les surmenant dès le début.

En cet endroit, il fallut faire viser nos passeports. Notre qualité de Français nous valut quelques regards de travers. Peu importait ! Nous étions en règle. D’ailleurs, puisqu’on nous chassait de l’Allemagne, puisque nous avions ordre de vider le territoire dans un délai de, c’était le moins qu’on ne nous arrêtât pas en route.

Notre dessein était de passer la nuit à Zerbst. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, il avait été décidé, en principe, que nous voyagerions de jour seulement. Les chemins ne semblaient point assez sûrs pour qu’il fût prudent de se hasarder au milieu de l’obscurité. Trop de chenapans couraient le pays. Il ne fallait pas s’exposer à quelque mauvaise rencontre.

J’ajouterai que, dans ces contrées qui se rapprochent du nord, la nuit est courte au mois d’août. Le soleil se lève avant trois heures du matin et ne se couche pas avant neuf heures du soir. La halte ne serait donc que de quelques heures — juste le temps de faire reposer bêtes et gens. Lorsqu’il serait nécessaire de donner un bon coup de collier, on le donnerait.

De la frontière, où la berline s’était arrêtée vers midi, jusqu’à Zerbst, il y a de sept à huit lieues, pas plus. Nous pouvions donc enlever cette étape entre trois heures après midi et huit heures du soir.

Toutefois, je vis bien qu’il faudrait compter plus d’une fois avec les embarras et les retards.

Ce jour-là, sur la route, nous eûmes maille à partir avec une espèce de racoleur de chevaux, un grand sec, maigre comme un Vendredi-Saint, hâbleur comme un maquignon, qui voulait absolument réquisitionner notre attelage. C’était, disait-il, pour le service de l’État.