Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/153

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s’était passé en France depuis notre départ. En effet, c’étaient la terrible journée du 10 août, l’envahissement des Tuileries, le massacre des Suisses, la famille royale enfermée au Temple, Louis XVI provisoirement suspendu de la royauté !

Voilà des faits qui étaient de nature à précipiter la masse des coalisés vers la frontière française !

Aussi la France tout entière était-elle déjà prête à repousser l’invasion.

Il y avait toujours trois armées, Luckner au nord, Lafayette au centre, Montesquieu au midi. Quant à Dumouriez, il servait sous Luckner comme lieutenant-général.

Mais — nouvelle qui ne datait que de trois jours — Lafayette, suivi de quelques-uns de ses compagnons, venait de se rendre au quartier général autrichien, où, malgré ses réclamations, on l’avait traité en prisonnier de guerre.

Que l’on juge par là des dispositions de nos ennemis envers tout ce qui était français et quel sort nous attendait, si les agents militaires nous eussent pris sans passeports !

Sans doute, dans ce que rapportaient les gazettes, il y avait à prendre et à laisser. Cependant, voici où en étaient les choses à la dernière heure.

Dumouriez, commandant en chef des armées du nord et du centre, était un maître-homme, on le savait. Aussi, désireux de lui porter les premiers coups, les rois de Prusse et d’Autriche allaient-ils arriver à Mayence. Le duc de Brunswick dirigeait les armées de la coalition. Après avoir pénétré en France par les Ardennes, elles devaient marcher sur Paris par la route de Châlons. Une colonne de soixante mille Prussiens se portait par Luxembourg sur Longwy. Trente-six mille Autrichiens, en deux corps, sous les ordres de Clairfayt et du prince de Hohenlohe, flanquaient l’armée prussienne. Telles étaient les masses terribles qui menaçaient la France.

Je vous dis tout de suite ces choses que j’ai apprises plus tard, parce qu’elles vous font connaître la situation.