Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/163

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nant, ses jambes fléchissant à chaque pas, et je voyais le moment où elle ne pourrait plus aller.

Pendant la nuit, de lointaines détonations se firent entendre sans discontinuité. C’était l’artillerie qui ronflait dans la direction de Verdun.

Le pays que nous traversions est formé de bois peu étendus et de plaines arrosées par de nombreux cours d’eau. Ce ne sont que des ruisseaux dans la saison sèche, et on peut les passer aisément. Autant que possible, nous cheminions à l’abri des arbres, afin de ne point être dépistés.

Quatre jours avant, le 2 septembre, ainsi que nous l’apprîmes plus tard, Verdun, si intrépidement défendu par l’héroïque Beaurepaire, qui se suicida plutôt que de se rendre, avait ouvert ses portes à cinquante mille Prussiens. Cette occupation allait permettre aux coalisés de s’immobiliser pendant quelques jours sur les plaines de la Meuse. Brunswick devait se contenter de prendre Stenay, tandis que Dumouriez, — un malin ! — préparant en secret son plan de résistance, restait à Sedan.

Pour en revenir à ce qui nous concerne, ce que nous ignorions, c’est que le 30 août — il y avait huit jours de cela — Dillon s’était glissé avec huit mille hommes entre l’Argonne et la Meuse. Après avoir rejeté de l’autre côté du fleuve Clairfayt et les Autrichiens qui en occupaient alors les deux rives, il s’avançait de manière à saisir le passage le plus au sud de la forêt.

Si nous l’avions su, au lieu d’allonger notre route en gagnant vers le nord, nous aurions été droit sur ce passage. Là, au milieu des soldats français, notre salut était assuré. Oui ! mais rien ne pouvait nous instruire de cette manœuvre, et, paraît-il, il entrait dans notre destinée d’en supporter encore de dures !

Le lendemain, 7 septembre, nous avions épuisé nos dernières provisions. Coûte que coûte, il fallait s’en procurer. Le soir venu, une maison isolée fut aperçue à l’orée d’une mare, sur la lisière d’un petit bois, près d’un vieux puits à margelle. Il n’y avait pas à hésiter. Je