Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/205

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Mais, sous les baisers de son fils, elle se ranimait, elle revenait à elle, et ces mots s’échappaient encore de sa bouche avec un accent que je n’oublierai de ma vie :

« Français !… Il est Français ! »

Que voulait-elle dire ? Je m’étais tourné vers M. de Lauranay… Il ne pouvait parler.

Mlle Marthe saisit alors le papier que Mme Keller tenait dans sa main, encore serrée comme celle d’une morte, et elle le tendit à M. Jean.

Je le vois encore ce papier. C’était un journal allemand, le Zeitblatt.

M. Jean l’avait pris. Il le lisait. Des larmes coulaient de ses yeux. Dieu du ciel ! Qu’on est heureux de savoir lire en des occasions pareilles !

Et alors, le même mot sortit de ses lèvres. Il se relevait. Il avait l’air d’un homme qui serait devenu fou subitement. Ce qu’il disait, je ne pouvais le comprendre, tant sa voix était étranglée par l’émotion.

« Français !… Je suis Français !… s’écriait-il. Ah ! ma mère !… Marthe… Je suis Français !… »

Puis, il tomba à genoux dans un élan de reconnaissance envers Dieu.

Mais Mme Keller venait de se redresser à son tour, disant :

« Maintenant, Jean, on ne te forcera plus à te battre contre la France !

— Non, mère !… C’est maintenant mon droit et mon devoir de me battre pour elle ! »