Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/214

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quitta la Croix-aux-Bois, traversa le défilé, et arriva aux cantonnements de Brunswick, le matin même où on allait nous fusiller. Nous venions de sortir de cette tente où s’était tenu le conseil de guerre, quand elle s’y présenta.

En vain réclama-t-elle, en s’appuyant sur ce jugement qui faisait un Français de Jean Keller. On la repoussa. Elle se jeta alors sur la route de Châlons, du côté où on nous entraînait… On sait ce qui arriva.

Enfin, quand tout s’arrange pour que les braves gens soient heureux, lorsqu’ils sont si dignes de l’être, on reconnaîtra avec moi que Dieu fait bien les choses !

Quant à la situation des Français après Valmy, voici ce que j’ai à dire en quelques mots.

Tout d’abord, pendant la nuit, Kellermann fit occuper les hauteurs de Gizaucourt, — ce qui assurait définitivement les positions de toute l’armée.

Cependant les Prussiens nous avaient coupés de la route de Châlons, et on ne pouvait plus communiquer avec les dépôts. Mais, comme nous étions maîtres de Vitry, les convois purent toujours arriver, et l’armée n’eut point à souffrir au campement de Sainte-Menehould.

Les armées ennemies restèrent sur leurs cantonnements jusqu’aux derniers jours de septembre. Des pourparlers avaient eu lieu, qui n’avaient point abouti. Toutefois, dans le camp prussien, on avait hâte de repasser la frontière. Les vivres manquaient, la maladie faisait de grands ravages, si bien que le duc de Brunswick décampa le 1er octobre.

Il faut dire que, pendant que les Prussiens reprenaient les défilés de l’Argonne, on leur fit la conduite, pas trop vivement. On les laissait battre en retraite, sans les presser. Pourquoi ? Je l’ignore. Ni moi ni bien d’autres n’ont rien compris à l’attitude de Dumouriez en cette circonstance.

Sans doute, il y avait de la politique là-dessous, et, je le répète, je n’entends goutte à la politique.