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GIL BRALTAR.


Mais le danger n’en était pas moins grand au dehors. Sans doute, quelques fantassins avaient pu se réunir à la Porte-de-Mer et marchaient vers l’habitation du général. Divers coups de feu éclataient dans Main-street et sur la place du Commerce. Toutefois, le nombre des monos était tel que la garnison de Gibraltar risquait d’être bientôt réduite à leur céder la place. Et alors, si les Espagnols faisaient cause commune avec ces singes, les forts seraient abandonnés, les batteries seraient désertées, les fortifications ne compteraient plus un seul défenseur, et les Anglais, qui avaient rendu ce rocher imprenable, ne parviendraient plus à le reprendre.

Soudain, un revirement se produisit.

En effet, à la lueur de quelques torches qui éclairaient la cour, on put voir les monos battre en retraite. À la tête de la bande marchait son chef, brandissant son bâton. Tous, imitant ses mouvements de bras et de jambes, le suivaient d’un même pas.

Gil Braltar avait-il donc pu se débarrasser de ses liens, s’échapper de la chambre où on le gardait ? On n’en pouvait plus douter. Mais où se dirigeait-il maintenant ? Allait-il se porter vers la pointe d’Europe, sur la villa du gouverneur, lui donner l’assaut, le sommer de se rendre, ainsi qu’il avait fait vis-à-vis du général ?

Non ! Le fou et sa bande descendaient Main-street. Puis, après avoir franchi la porte de l’Alameda, tous prirent obliquement à travers le parc et remontèrent les pentes de la montagne.

Une heure après, il ne restait plus dans la ville un seul des envahisseurs de Gibraltar.

Que s’était-il donc passé ?

On le sut bientôt, quand le général Mac Kackmale apparut sur la lisière du parc.

C’était lui qui, prenant la place du fou, avait dirigé la retraite de la bande, après s’être enveloppé de la peau de singe du prisonnier. Il ressemblait tellement à un quadrumane, ce brave guerrier, que les monos s’y étaient trompés eux-mêmes. Aussi n’avait-il eu qu’à paraître pour les entraîner à sa suite !…