Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/77

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témoins dont la présence était indispensable. Dans ces jours de trouble, il fallait éviter d’attirer l’attention sur soi. Kalkreuth eût vite mis son nez dans cette affaire. Et puis, il y avait le lieutenant Frantz qui, par dépit, par vengeance, aurait pu s’emporter à quelque éclat. De là, peut-être, des complications qu’il convenait d’éviter à tout prix.

Quant aux préparatifs, ils ne devaient exiger que très peu de temps. D’ailleurs, on ferait très simplement les choses, et sans organiser des fêtes, dont on se fût donné le plaisir en d’autres circonstances moins inquiétantes. Il y aurait mariage, il n’y aurait pas noces, voilà tout.

Et se hâter sans perdre une heure ! Ce n’était pas le moment de répéter notre vieux dicton picard : Il n’y a lieu de se presser, parce que la foire n’est point sur le pont !

Elle y était, menaçante, et, d’un instant à l’autre, pouvait nous fermer le passage !

Cependant, malgré toutes les précautions prises, il paraît que le secret ne fut pas gardé comme il aurait dû l’être. Très certainement, les voisins — oh ! les voisins de province ! — s’inquiétaient de ce qui se préparait dans les deux familles. Il y avait nécessairement quelques allées et venues en dehors des habitudes. De là, curiosité mise en éveil.

De plus, Kalkreuth ne cessait d’avoir l’œil sur nous. Nul doute que ses agents eussent ordre de nous surveiller de près. Peut-être les choses n’iraient-elles pas toutes seules.

Mais, ce qu’il y eut de plus regrettable, c’est que la nouvelle du mariage arriva aux oreilles du lieutenant von Grawert.

Cela, ce fut ma sœur Irma qui l’apprit par la servante de Mme Keller. Des officiers du régiment de Leib en avaient causé sur la grande place.

Par hasard, Irma avait entendu leur conversation, et voici ce qu’elle rapporta.

Lorsqu’il avait appris la nouvelle, le lieutenant s’était abandonné à