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Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/80

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Le 25, la journée se passa sans incidents. Plus que quatre jours à attendre. Moi, je comptais les heures et les minutes. L’union célébrée, on déciderait la grave question d’abandonner définitivement Belzingen.

Mais l’orage était sur nos têtes, et le coup de foudre éclata dans la soirée de ce jour. La terrible nouvelle arriva vers neuf heures du soir.

La Prusse venait de déclarer la guerre à la France.


X

C’était le premier coup, rudement asséné. Et pourtant, il devait être suivi de coups plus rudes encore. Mais, n’anticipons pas, et soumettons-nous aux décrets de la Providence, comme dit le curé de chez nous, du haut de son égrugeoir[1].

La guerre était donc déclarée à la France, et moi, Français, je me trouvais en pays ennemi. Si les Prussiens ignoraient que je fusse soldat, cela me créait, vis-à-vis de moi-même, un état extrêmement pénible. Mon devoir me commandait de quitter secrètement ou publiquement Belzingen, n’importe par quel moyen, de rejoindre au plus tôt, de reprendre ma place dans le rang. Il ne s’agissait plus de mon congé ni des six semaines qu’il comportait encore. Le Royal-Picardie occupait Charleville, à quelques lieues seulement de la frontière française. Il prendrait part aux premiers engagements. Il fallait être là.

Mais que deviendraient ma sœur, M. de Lauranay et Mlle Marthe ? Leur nationalité ne causerait-elle pas les embarras les plus sérieux ?

  1. Nom peu respectueux que l’on donne à la chaire en Picard.