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un hivernage dans les glaces.

et elle nous servira d’ange gardien. Et puis, capitaine, vous connaissez mon idée : tout est pour le mieux dans ce monde. »

La jeune fille fut installée dans une cabine, que les matelots disposèrent pour elle en peu d’instants et qu’ils rendirent aussi confortable que possible.

Huit jours plus tard, la Jeune-Hardie relâchait aux Feroë, mais les plus minutieuses explorations demeurèrent sans fruit. Aucun naufragé, aucun débris de navire n’avait été recueilli sur les côtes. La nouvelle même de l’événement y était entièrement inconnue. Le brick reprit donc son voyage, après dix jours de relâche, vers le 10 juin. L’état de la mer était bon, les vents fermes. Le navire fut rapidement poussé vers les côtes de Norwége, qu’il explora sans plus de résultat.

Jean Cornbutte résolut de se rendre à Bodoë. Peut-être apprendrait-il là le nom du navire naufragé au secours duquel s’étaient précipités Louis Cornbutte et ses deux matelots.

Le 30 juin, le brick jetait l’ancre dans ce port

Là, les autorités remirent à Jean Cornbutte une bouteille trouvée à la côte, et qui renfermait un document ainsi conçu :

« Ce 26 avril, à bord du Froöern, après avoir été accostés par la chaloupe de la Jeune-Hardie, nous sommes entraînés par les courants vers les glaces ! Dieu ait pitié de nous ! »

Le premier mouvement de Jean Cornbutte fut de remercier le Ciel. Il se croyait sur les traces de son fils ! Ce Froöern était une goëlette norwégienne dont on n’avait plus de nouvelles, mais qui avait été évidemment entraînée dans le Nord.

Il n’y avait pas à perdre un jour. La Jeune-Hardie fut aussitôt mise en état d’affronter les périls des mers polaires. Fidèle Misonne le charpentier la visita scrupuleusement et s’assura que sa construction solide pourrait résister au choc des glaçons.

Par les soins de Penellan, qui avait déjà fait la pêche de la baleine dans les mers arctiques, des couvertures de laine, des vêtements fourrés, de nombreux mocassins en peau de phoque et le bois nécessaire à la fabrication de traîneaux destinés à courir sur les plaines de glaces, furent embarqués à bord. On augmenta, sur une grande proportion, les approvisionnements d’esprit-de-vin et de charbon de terre, car il était possible que l’on fût forcé d’hiverner sur quelque point de la côte groënlandaise. On se procura également, à grand prix et à grand’peine, une certaine quantité de citrons, destinés à prévenir ou guérir le scorbut, cette terrible maladie qui décime les équipages