Aller au contenu

Page:Verne - Le Docteur Ox.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
un hivernage dans les glaces.

On construisit également à terre un magasin de neige, dans lequel on entassa les objets qui embarrassaient le navire. Les cloisons des cabines furent démontées, de manière à ne plus former qu’une vaste chambre à l’avant comme à l’arrière. Cette pièce unique était, d’ailleurs, plus facile à réchauffer, car la glace et l’humidité trouvaient moins de coins pour s’y blottir. Il fut également plus aisé de l’aérer convenablement, au moyen de manches en toile qui s’ouvraient au dehors.

Chacun déploya une extrême activité dans ces divers préparatifs, et, vers le 25 septembre, ils furent entièrement terminés. André Vasling ne s’était pas montré le moins habile à ces divers aménagements. Il déploya surtout un empressement trop grand à s’occuper de la jeune fille, et si celle-ci, toute à la pensée de son pauvre Louis, ne s’en aperçut pas, Jean Cornbutte comprit bientôt ce qui en était. Il en causa avec Penellan ; il se rappela plusieurs circonstances qui l’éclairèrent tout à fait sur les intentions de son second : André Vasling aimait Marie et comptait la demander à son oncle, dès qu’il ne serait plus permis de douter de la mort des naufragés ; on s’en retournerait alors à Dunkerque, et André Vasling s’accommoderait très-bien d’épouser une fille jolie et riche, qui serait alors l’unique héritière de Jean Cornbutte.

Seulement, dans son impatience, André Vasling manqua souvent d’habileté ; il avait plusieurs fois déclaré inutiles les recherches entreprises pour retrouver les naufragés, et souvent un indice nouveau venait lui donner un démenti, que Penellan prenait du plaisir à faire ressortir. Aussi le second détestait-il cordialement le timonier, qui le lui rendait avec du retour. Ce dernier ne craignait qu’une chose, c’était qu’André Vasling ne parvînt à jeter quelque germe de dissension dans l’équipage, et il engagea Jean Cornbutte à ne lui répondre qu’évasivement à la première occasion.

Lorsque les préparatifs d’hivernage furent terminés, le capitaine prit diverses mesures propres à conserver la santé de son équipage. Tous les matins, les hommes eurent ordre d’aérer les logements et d’essuyer soigneusement les parois intérieures, pour les débarrasser de l’humidité de la nuit. Ils reçurent, matin et soir, du thé ou du café brûlant, ce qui est un des meilleurs cordiaux à employer contre le froid ; puis ils furent divisés en quarts de chasseurs, qui devaient, autant que possible, procurer chaque jour une nourriture fraîche à l’ordinaire du bord.

Chacun dut prendre aussi, tous les jours, un exercice salutaire, et ne pas s’exposer sans mouvement à la température, car, par des froids de trente degrés au-dessous de zéro, il pouvait arriver que quelque partie du corps se gelât subi-