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au mont blanc.


Passage sur le glacier des Bossons, près des Grands-Mulets. (Page 195.)

Le lendemain, dès l’aube, je courus chez le guide-chef. Le ciel était sans nuages ; le vent, presque insensible, s’était fixé au nord-est. La chaîne du mont Blanc, dont les sommets principaux se doraient aux rayons du soleil levant, semblait engager les nombreux touristes à lui rendre visite. On ne pouvait, sans impolitesse, refuser une aussi aimable invitation. M. Balmat, après avoir consulté son baromètre, déclara l’ascension faisable et me promit les deux guides et le porteur prescrits par le règlement. Je lui en laissai le choix. Mais un incident auquel je ne m’attendais pas vint jeter quelque trouble dans les préparatifs du départ.

En sortant du bureau du guide-chef, je rencontrai Édouard Ravanel, mon guide de la veille.

« Est-ce que monsieur va au mont Blanc ? me dit-il.

— Oui, sans doute, répondis-je. Ne trouvez-vous pas le moment bien choisi ? »

Il réfléchit quelques minutes, et d’un air un peu contraint :

« Monsieur, me dit-il, vous êtes mon voyageur ; je vous ai accompagné hier au Brevent, je ne puis donc vous abandonner, et puisque vous allez là-haut, j’irai avec vous, si vous voulez bien accepter mes services. C’est votre droit, car pour toutes les courses dangereuses le voyageur peut choisir ses guides. Seulement, si vous acceptez mon offre, je vous demande de m’adjoindre mon frère, Ambroise Ravanel, et mon cousin, Gaspard Simon. Ce sont de jeunes et vigoureux gars ; ils n’aiment pas plus que moi un semblable voyage, mais ils ne bouderont pas à l’ouvrage, et je vous réponds d’eux comme de moi-même. »