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au mont blanc.


Pont et crevasse — Mer de glace. (Page 196.)



principal, nommé Paccard, parent du docteur Paccard, qui fit, avec Jacques Balmat, la première ascension du mont Blanc, était déjà monté dix-huit fois au sommet. M. N… se disposait, lui aussi, à en faire l’ascension. Il avait beaucoup voyagé en Amérique et traversé les Cordillères des Andes du côté de Quito, en passant au milieu des neiges par les cols les plus élevés ; il pensait donc pouvoir, sans trop de difficultés, mener à bien sa nouvelle entreprise ; mais en cela il se trompait. Il avait compté sans la verticalité des pentes qu’il avait à franchir, et sans la raréfaction de l’air.

Je me hâte d’ajouter, à son honneur, que s’il réussit à atteindre la cime du mont Blanc, ce fut grâce à une énergie morale bien rare, car les forces physiques l’avaient abandonné depuis longtemps.

Nous déjeunâmes à la Pierre-Pointue aussi copieusement que possible. C’est une mesure de prudence, car généralement l’appétit disparaît dès qu’on entre dans les régions glacées.

M. N… partit avec ses guides vers onze heures pour les Grands-Mulets. Nous ne nous mîmes en route qu’à midi. À la Pierre-Pointue cesse le chemin de mulets. Il faut alors gravir en zigzags un sentier très-raide qui suit le bord du glacier des Bossons et longe la base de l’aiguille du Midi. Après une heure d’un travail assez pénible, par une chaleur intense, nous arrivons à un point nommé la Pierre-à-l’Échelle, situé à 2,700 mètres. Là, guides et voyageurs s’attachent ensemble par une forte corde, en laissant entre eux un espace de trois à quatre mètres. Il s’agit en effet d’entrer sur le glacier des Bossons. Ce glacier, d’un abord difficile, présente de tous côtés des crevasses béantes et sans fond appré-