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au mont blanc.


Vue des séracs. — Mont Blanc. (Page 196.)


Le sommet du mont Blanc forme une arête dirigée du sud-ouest au nord-est, longue de deux cents pas et large d’un mètre au point culminant. On dirait une coque de navire renversé, la quille en l’air.

Chose très-rare, la température était alors fort élevée, 10 degrés au-dessus de zéro. L’air était presque calme. Parfois une légère brise d’est se faisait sentir.

Le premier soin de nos guides avait été de nous placer tous en ligne sur la crête faisant face à Chamonix, pour qu’on pût d’en bas facilement nous compter et s’assurer que personne ne manquait à l’appel. Nombre de touristes s’étaient rendus au Brevent et au Jardin pour suivre notre ascension. Ils purent en constater le succès.

Mais ce n’est pas tout que de monter, il fallait songer à redescendre. Le plus difficile, sinon le plus fatigant, restait à faire ; et puis, on quitte à regret une sommité conquise au prix de tant de labeurs ; le ressort qui vous poussait en montant, ce besoin de dominer, si naturel et si impérieux, vous fait défaut ; vous marchez sans ardeur, en regardant souvent en arrière !

Il fallut pourtant se décider. Après une dernière libation du champagne traditionnel, nous nous mettons en route. Nous étions restés une heure au sommet. L’ordre de marche était changé. La caravane de M. N… était en tête, et sur la demande de son guide, Paccard, nous nous attachons tous ensemble. L’état de fatigue dans lequel se trouvait M. N…, que ses forces trahissaient, mais non sa volonté, pouvait faire craindre des chutes que nos efforts réunis parviendraient peut-être à arrêter. L’événement justifia notre appréhension. En descendant le mur de la côte, M. N… fit plusieurs faux pas. Ses guides, très-vigoureux