Page:Verne - Le Docteur Ox.djvu/61

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de longs siècles cette mortelle injure ; il adjura « les enfants de la vieille cité » de ne plus avoir d’autre « objectif » que d’obtenir une réparation éclatante ! Enfin, il fit un appel à « toutes les forces vives » de la nation !

Avec quel enthousiasme ces paroles, si nouvelles pour des oreilles quiquendoniennes, furent accueillies, cela se sent, mais ne peut se dire. Tous les auditeurs s’étaient levés, et, les bras tendus, ils demandaient la guerre à grands cris. Jamais l’avocat Schut n’avait eu un tel succès, et il faut avouer qu’il avait été très beau.

Le bourgmestre, le conseiller, tous les notables qui assistaient à cette mémorable séance auraient inutilement voulu résister à l’élan populaire. D’ailleurs, ils n’en avaient aucune envie, et sinon plus, du moins aussi haut que les autres, ils criaient :

« À la frontière ! À la frontière ! »

Or, comme la frontière n’était qu’à trois kilomètres des murs de Quiquendone, il est certain que les Virgamenois couraient un véritable danger, car ils pouvaient être envahis avant d’avoir eu le temps de se reconnaître.

Cependant l’honorable pharmacien Josse Liefrinck, qui avait seul conservé son bon sens dans cette grave circonstance, voulut faire comprendre que l’on manquait de fusils, de canons et de généraux.

Il lui fut répondu, non sans quelques horions, que ces généraux, ces canons, ces fusils, on les improviserait ; que le bon droit et l’amour du pays suffisaient et rendaient un peuple irrésistible.

Là-dessus, le bourgmestre prit lui-même la parole, et, dans une improvisation sublime, il fit justice de ces gens pusillanimes, qui déguisent la peur sous le voile de la prudence, et ce voile, il le déchira d’une main patriote.

On aurait pu croire à ce moment que la salle allait crouler sous les applaudissements.

On demanda le vote.

Le vote se fit par acclamations, et les cris redoublèrent :

« À Virgamen ! À Virgamen ! »

Le bourgmestre s’engagea alors à mettre les armées en mouvement, et, au nom de la cité, il promit à celui de ses futurs généraux qui reviendrait vainqueur les honneurs du triomphe, comme cela se pratiquait au temps des Romains.

Cependant le pharmacien Josse Liefrinck, qui était un entêté, et qui ne se tenait pas pour battu, bien qu’il l’eût été réellement, voulut encore placer