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le soleil de minuit.

observa que, dans l’ouest, la côte se courbait suivant un arc très allongé. Des falaises assez élevées fermaient l’horizon à quelques milles au-delà. Quant aux eaux du lagon, on reconnut qu’elles étaient douces et non saumâtres comme on eût pu le penser, à raison du voisinage de la mer. Mais, en tout cas, l’eau douce n’eût pas manqué à la colonie, même au cas où ces eaux eussent été impotables, car une petite rivière, alors limpide et fraîche, coulait vers l’Océan glacial et s’y jetait par une étroite embouchure, à quelques centaines de pas dans le sud-est du cap Bathurst. Cette embouchure, protégée non par des roches, mais par un amoncellement assez singulier de terre et de sable, formait un port naturel, dans lequel deux ou trois navires eussent été parfaitement couverts contre les vents du large. Cette disposition pouvait être avantageusement utilisée pour le mouillage des bâtiments qui viendraient, dans la suite, du détroit de Behring. Jasper Hobson, par galanterie pour la voyageuse, donna à ce petit cours d’eau le nom de Paulina-river, et au petit port le nom de Port-Barnett, ce dont la voyageuse se montra enchantée.

En construisant le fort un peu en arrière de la pointe formée par le cap Bathurst, la maison principale aussi bien que les magasins devaient être abrités absolument des vents les plus froids. L’élévation même du cap contribuerait à les défendre contre ces violents chasse-neige, qui, en quelques heures, peuvent ensevelir des habitations entières sous leurs épaisses avalanches. L’espace compris entre le pied du promontoire et le rivage du lagon était assez vaste pour recevoir les constructions nécessitées par l’exploitation d’une factorerie. On pouvait même l’entourer d’une enceinte palissadée, qui s’appuierait aux premières rampes de la falaise, et couronner le cap lui-même d’une redoute fortifiée, — travaux purement défensifs, mais utiles au cas où des concurrents songeraient à s’établir sur ce territoire. Aussi, Jasper Hobson, sans songer à les exécuter encore, observa-t-il avec satisfaction que la situation était facile à défendre.

Le temps était alors très beau et la chaleur assez forte. Aucun nuage, ni à l’horizon, ni au zénith. Seulement, ce ciel limpide des pays tempérés et des pays chauds, il ne fallait pas le chercher sous ces hautes latitudes. Pendant l’été, une légère brume restait presque incessamment suspendue dans l’atmosphère ; mais, à la saison d’hiver, quand les montagnes de glace s’immobilisaient, lorsque le rauque vent du nord battait de plein fouet les falaises, quand une nuit de quatre mois s’étendait sur ces continents, que devait être ce cap Bathurst ? Pas un seul des compagnons de Jasper Hobson n’y songeait alors, car le temps était superbe, le paysage verdoyant, la température chaude, la mer étincelante.

Un campement provisoire, dont les traîneaux fournirent tout le maté-