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le fort espérance.

temps ne manquait pas, on élèverait les communs destinés aux soldats, et les magasins dans lesquels les fourrures et les pelleteries devaient être déposées. Mais Jasper Hobson ne supposait pas que ces travaux pussent être achevés avant la fin du mois de septembre. Or, après septembre, les nuits déjà longues, le mauvais temps, la saison d’hiver, les premières gelées, suspendraient forcément toute besogne.

Des dix soldats qui avaient été choisis par le capitaine Craventy, deux étaient plus spécialement chasseurs, Sabine et Marbre. Les huit autres maniaient la hache avec autant d’adresse que le mousquet. Ils étaient, comme des marins, propres à tout, sachant tout faire. Mais en ce moment, ils devaient être utilisés plutôt comme ouvriers que comme soldats, puisqu’il s’agissait de l’érection d’un fort qu’aucun ennemi encore ne songeait à attaquer. Petersen, Belcher, Raë, Garry, Pond, Hope, Kellet, formaient un groupe de charpentiers habiles et zélés, que Mac Nap, un Écossais de Stirling, fort capable dans la construction des maisons et même des navires, s’entendait à commander. Les outils ne manquaient pas, haches, besaiguës, égoïnes, herminettes, rabots, scies à bras, masses, marteaux, ciseaux, etc. L’un de ces hommes, Raë, plus spécialement forgeron, pouvait même fabriquer, au moyen d’une petite forge portative, toutes les chevilles, tenons, boulons, clous, vis et écrous nécessaires au charpentage. On ne comptait aucun maçon parmi ces ouvriers, et de fait, il n’en était pas besoin, puisque toutes ces maisons des factoreries du nord sont construites en bois. Très heureusement, les arbres ne manquent pas aux environs du cap Bathurst, mais par une singularité que Jasper Hobson avait déjà remarquée, pas un rocher, pas une pierre ne se rencontrait sur ce territoire, pas même un caillou, pas même un galet. De la terre, du sable, rien de plus. Le rivage était semé d’une innombrable quantité de coquilles bivalves, brisées par le ressac, et de plantes marines ou de zoophytes, consistant principalement en oursins et en astéries. Mais, ainsi que le lieutenant le fit observer à Mrs. Paulina Barnett, il n’existait pas, aux environs du cap, une seule pierre, un seul morceau de silex, un seul débris de granit. Le cap n’était formé lui-même que par l’amoncellement de terres meubles, dont quelques végétaux reliaient à peine les molécules.

Ce jour-là, dans l’après-midi, Jasper Hobson et maître Mac Nap, le charpentier, allèrent choisir l’emplacement que la maison principale devait occuper sur le plateau qui s’étendait au pied du cap Bathurst. De là, le regard pouvait embrasser le lagon et le territoire situé dans l’ouest jusqu’à une distance de dix à douze milles. Sur la droite, mais à quatre milles au moins, s’étageaient des falaises assez élevées, que l’éloignement noyait en partie dans la brume. Sur la gauche, au contraire,