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le pays des fourrures.

Mrs. Paulina Barnett félicita le lieutenant et le charpentier Mac Nap d’avoir mené à bien et en peu de temps cet ouvrage difficile.

« Pourvu que vos cheminées ne fument pas ! ajouta-t-elle en riant.

— Elles fumeront, madame, répondit philosophiquement Jasper Hobson, elles fumeront, gardez-vous d’en douter. Toutes les cheminées fument ! »

Le grand ouvrage fut complètement terminé dans l’espace d’un mois. Le 6 août, l’inauguration de la maison devait être faite. Mais, pendant que maître Mac Nap et ses hommes travaillaient sans relâche, le sergent Long, le caporal Joliffe, — tandis que Mrs. Joliffe organisait le service culinaire, — puis les deux chasseurs Marbre et Sabine, dirigés par Jasper Hobson, avaient battu les alentours du cap Bathurst. Ils avaient, à leur grande satisfaction, reconnu que les animaux de poil et de plume y abondaient. Les chasses n’étaient pas encore organisées, et les chasseurs cherchaient plutôt à explorer le pays. Cependant ils parvinrent à s’emparer de quelques couples de rennes vivants, que l’on résolut de domestiquer. Ces animaux devaient fournir des petits et du lait. Aussi se hâta-t-on de les parquer dans une enceinte palissadée, qui fut établie à une cinquantaine de pas de l’habitation. La femme du forgeron Raë, qui était une Indienne, s’entendait à ce service, et elle fut spécialement chargée du soin de ces animaux.

Quant à Mrs. Paulina Barnett, secondée par Madge, elle voulut s’occuper d’organisation intérieure, et l’on ne devait pas tarder à sentir l’influence de cette femme intelligente et bonne dans une multitude de détails dont Jasper Hobson et ses compagnons ne se seraient probablement jamais préoccupés.

Après avoir exploré le territoire sur un rayon de plusieurs milles, le lieutenant reconnut qu’il formait une vaste presqu’île, d’une superficie de cent cinquante milles carrés environ. Un isthme, large de quatre milles au plus, la rattachait au continent américain, et s’étendait depuis le fond de la baie Whasburn, à l’est, jusqu’à une échancrure correspondante de la côte opposée. La délimitation de cette presqu’île, à laquelle le lieutenant donna le nom de presqu’île Victoria, était très nettement accusée.

Jasper Hobson voulut savoir ensuite quelles ressources offraient le lagon et la mer. Il eut lieu d’être satisfait. Les eaux du lagon, très peu profondes d’ailleurs, mais fort poissonneuses, promettaient une abondante réserve de truites, de brochets et autres poissons d’eau douce, dont on devait tenir compte. La petite rivière donnait asile à des saumons qui en remontaient aisément le cours, et à des familles frétillantes de blanches et d’éperlans. La mer, sur ce littoral, semblait moins richement peuplée que le lagon. Mais, de temps en temps, on voyait passer au large d’énormes