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quelques excursions.

économiser nos réserves. Aussi, dans quelques jours, dès que nous serons à peu près installés, nous organiserons des chasses de ravitaillement. Quant à la question des animaux à fourrure, nous verrons à la résoudre plus tard et à remplir les magasins de la Compagnie. D’ailleurs, ce n’est pas le moment de chasser la martre, l’hermine, le renard et autres animaux à fourrure. Ils n’ont pas encore le pelage d’hiver, et les peaux perdraient vingt-cinq pour cent de leur valeur, si on les emmagasinait en ce moment. Non. Bornons-nous d’abord à approvisionner l’office du fort Espérance. Les rennes, les élans, les wapitis, si quelques-uns se sont avancés jusqu’à ces parages, doivent seuls attirer nos chasseurs. En effet, vingt personnes à nourrir et une soixantaine de chiens, cela vaut la peine que l’on s’en préoccupe ! »

On voit que le lieutenant était un homme d’ordre. Il voulait agir avec méthode, et, si ses compagnons le secondaient, il ne doutait pas de mener à bonne fin sa difficile entreprise.

Le temps, à cette époque de l’année, était presque invariablement beau. La période des neiges ne devait pas commencer avant cinq semaines. Lorsque la maison principale eut été achevée, Jasper Hobson fit donc continuer les travaux de charpentage, en construisant un vaste chenil destiné à abriter les attelages de chiens. Cette « dog-house » fut bâtie au pied même du promontoire, et s’appuya sur le talus même, à une quarantaine de pas sur le flanc droit de la maison. Les futurs communs, appropriés pour le logement des hommes, devaient faire face au chenil, sur la gauche, tandis que les magasins et la poudrière occuperaient la partie antérieure de l’enceinte.

Cette enceinte, par une prudence peut-être exagérée, Jasper Hobson résolut de l’établir avant l’hiver. Une bonne palissade, solidement plantée, faite de poutres pointues, devait garantir la factorerie non seulement de l’attaque des gros animaux, mais aussi contre l’agression des hommes, au cas où quelque parti ennemi, Indiens ou autres, se présenterait. Le lieutenant n’avait point oublié ces traces, qu’une troupe quelconque avait laissées sur le littoral, à moins de deux cents milles du fort Espérance. Il connaissait les procédés violents de ces chasseurs nomades, et il pensait que mieux valait, en tout cas, se mettre à l’abri d’un coup de main. La ligne de circonvallation fut donc tracée de manière à entourer la factorerie, et aux deux angles antérieurs qui couvraient le côté du lagon, maître Mac Nap se chargea de construire deux petites poivrières en bois, très convenables pour abriter des hommes de garde.

Avec un peu de diligence, — et ces braves ouvriers travaillaient sans relâche, — il était possible d’achever ces nouvelles constructions avant l’hiver.