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à quinze milles du cap bathurst.

Quant aux végétaux sauvages, qui poussaient spontanément sur cette terre avare et pouvaient servir à l’alimentation, ils étaient extrêmement rares. Mrs. Joliffe, que la botanique « positive » intéressait fort, n’avait rencontré que deux plantes dignes de figurer dans sa cuisine.

L’une, racine bulbeuse, difficile à reconnaître, puisque ses feuilles tombent précisément au moment où elle entre dans la période de floraison, n’était autre que le poireau sauvage. Ce poireau fournissait une ample récolte d’oignons, gros comme un œuf, qui furent judicieusement employés en guise de légumes.

L’autre plante, connue dans tout le nord de l’Amérique sous le nom de « thé du Labrador », poussait en grande abondance sur les bords du lagon, entre les bouquets de saules et d’arbousiers, et elle formait la nourriture favorite des lièvres polaires. Ce thé, infusé dans l’eau bouillante et additionné de quelques gouttes de brandy ou de gin, composait une excellente boisson, et cette plante mise en conserve, permit d’économiser la provision de thé chinois apporté du fort Reliance.

Mais, pour obvier à la pénurie des végétaux alimentaires, Jasper Hobson s’était muni d’une certaine quantité de graines qu’il comptait semer, quand le moment en serait venu. C’étaient principalement des graines d’oseille et de cochlearias, dont les propriétés antiscorbutiques sont très appréciées sous ces latitudes. On pouvait espérer qu’en choisissant un terrain abrité contre les brises aiguës qui brûlent toute végétation comme une flamme, ces graines réussiraient pour la saison prochaine.

Au surplus, la pharmacie du nouveau fort n’était pas dépourvue d’antiscorbutiques. La Compagnie avait fourni quelques caisses de citrons et de « lime-juice », précieuse substance dont aucune expédition polaire ne saurait se passer.

Mais il importait d’économiser cette réserve comme bien d’autres car une série de mauvais temps pouvait compromettre les communications entre le fort Espérance et les factoreries du Sud.


CHAPITRE XV.

à quinze milles du cap bathurst.


Les premiers jours de septembre étaient arrivés. Dans trois semaines, même en admettant les chances les plus favorables, la mauvaise saison allait nécessairement interrompre les travaux. Il fallait donc se hâter. Très-