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la nuit polaire.

— Mais que serait-ce donc si nous étions au pôle ? demanda Mrs. Paulina Barnett.

— Le pôle, madame, n’est pas, très probablement, le point le plus froid du globe, puisque la plupart des navigateurs s’accordent pour y placer la mer libre. Il semble même que, par suite de certaines dispositions géographiques et hydrographiques, l’endroit où la moyenne de la température est la plus basse est situé sur le quatre-vingt-quinzième méridien et par soixante-dix-huit degrés de latitude, c’est-à-dire sur les côtes de la Géorgie septentrionale. Là, cette moyenne serait seulement de deux degrés au-dessous de zéro (19° centigr. au-dessous de glace) pour l’année entière. Aussi ce point est-il connu sous le nom de « pôle du froid ».

— Mais, monsieur Hobson, répondit Mrs. Paulina Barnett, nous sommes à plus de huit degrés en latitude de ce point redoutable.

— Aussi, répondit Jasper Hobson, je compte bien que nous ne serons pas éprouvés au cap Bathurst comme nous le serions dans la Géorgie septentrionale. Mais si je vous parle du pôle du froid, c’est pour vous dire qu’il ne faut point le confondre avec le pôle proprement dit, quand il s’agit de l’abaissement de la température. Remarquons, d’ailleurs, que de grands froids ont été éprouvés sur d’autres points du globe. Seulement, ils ne duraient pas.

— Et en quels points, monsieur Hobson ? demanda Mrs. Paulina Barnett. Je vous assure qu’en ce moment cette question du froid m’intéresse particulièrement.

— Autant qu’il m’en souvient, répondit le lieutenant Hobson, les voyageurs arctiques ont constaté qu’à l’île Melville, la température s’était abaissée jusqu’à soixante et un degrés au-dessous de zéro, et jusqu’à soixante-cinq degrés au port Félix.

— Cette île Melville et ce port Félix ne sont-ils pas plus élevés en latitude que le cap Bathurst ?

— Sans doute, madame, mais dans une certaine limite, la latitude ne prouve rien. Il suffit du concours de diverses circonstances atmosphériques pour amener des froids considérables. Et si j’ai bonne mémoire, en 1845… Sergent Long, à cette époque, n’étiez-vous pas au fort Reliance ?

— Oui, mon lieutenant, répondit le sergent Long.

— Eh bien, cette année-là, est-ce qu’en janvier nous n’avons pas constaté un froid extraordinaire ?

— En effet, répondit le sergent, et je me rappelle fort bien que le thermomètre marqua soixante-dix degrés au-dessous de zéro (50°,7 centigr. au-dessous de zéro).