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du 25 juillet au 20 août.

froid à affronter pendant la longue nuit polaire, et à braver durant bien des jours, si l’île Victoria ne s’immobilisait qu’à une grande distance du littoral ! Pour franchir ainsi des centaines de milles, dans ces conditions, il ne fallait négliger ni le vêtement, ni la chaussure. Aussi, Mrs. Paulina Barnett et Madge donnèrent-elles tous leurs soins aux confections. Comme on le pense bien, les fourrures, qu’il serait vraisemblablement impossible de sauver, furent employées sous toutes les formes. On les ajustait en double, de manière que le vêtement présentât le poil à l’intérieur comme à l’extérieur. Et il était certain que, le moment venu, ces dignes femmes de soldats et les soldats eux-mêmes, aussi bien que leurs officiers, seraient vêtus de pelleteries du plus haut prix, que leur eussent enviées les plus riches ladies ou les plus opulentes princesses russes. Sans doute, Mrs. Raë, Mrs. Mac Nap et Mrs. Joliffe s’étonnèrent un peu de l’emploi qui était fait des richesses de la Compagnie. Mais l’ordre du lieutenant Hobson était formel. D’ailleurs, les martres, les visons, les rats musqués, les castors, les renards même pullulaient sur le territoire, et les fourrures ainsi dépensées seraient remplacées facilement, quand on le voudrait, avec quelques coups de fusil ou de trappe. Au surplus, lorsque Mrs. Mac Nap vit le délicieux vêtement d’hermine que Madge avait confectionné pour son bébé, vraiment elle ne trouva plus la chose extraordinaire !

Ainsi s’écoulèrent les journées jusque dans la moitié du mois d’août. Le temps avait toujours été beau, le ciel quelquefois brumeux, mais le soleil avait vite fait de boire ces brumes.

Chaque jour, le lieutenant Jasper Hobson faisait le point, en ayant soin toutefois de s’éloigner du fort, afin de ne point éveiller les soupçons de ses compagnons par ces observations quotidiennes. Il visitait aussi les diverses parties de l’île, et, fort heureusement, il n’y remarqua aucune modification importante.

Au 16 août, l’île Victoria se trouvait, en longitude, par 167°27’, et, en latitude, par 70°49’. Elle s’était donc un peu reportée au sud depuis quelque temps, mais sans, pour cela, s’être rapprochée de la côte, qui, se recourbant, dans cette direction lui restait encore à plus de deux cents milles dans le sud-est.

Quant au chemin parcouru par l’île depuis la rupture de l’isthme ou plutôt depuis la dernière débâcle des glaces, on pouvait l’estimer déjà à onze ou douze cents milles vers l’ouest.

Mais qu’était-ce que ce parcours comparé à l’étendue de la mer immense ? N’avait-on pas vu déjà des bâtiments dériver, sous l’action des courants, pendant des milliers de milles, tels que le navire anglais Resolute, le brick