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aventures de kalumah.

À ce point de son récit, la jeune Esquimaude tourna ses yeux humides vers Mrs. Paulina Barnett et lui serra plus affectueusement la main. Puis, murmurant une prière, elle remercia Dieu de l’avoir sauvée par la main même de son amie !

Kalumah, revenue à sa demeure, au milieu de sa famille, avait repris son existence accoutumée. Elle travaillait avec les siens à la pêcherie du cap des Glaces, qui est située à peu près sur le soixante-dixième parallèle, à plus de six cents milles du cap Bathurst.

Pendant toute la première partie du mois d’août, aucun incident ne se produisit. Vers la fin du mois se déclara cette violente tempête dont s’inquiéta si vivement Jasper Hobson, et qui, paraît-il, étendit ses ravages sur toute la mer polaire et même jusqu’au-delà du détroit de Behring. Au cap des Glaces, elle fut effroyable aussi et se déchaîna avec la même violence que sur l’île Victoria. À cette époque, l’île errante ne se trouvait pas à plus de deux cents milles de la côte, ainsi que l’avait déterminé par ses relèvements le lieutenant Jasper Hobson.

En écoutant parler Kalumah, Mrs. Paulina Barnett, fort au courant de la situation, on le sait, faisait rapidement dans son esprit des rapprochements qui allaient enfin lui donner la clef de ces singuliers événements et surtout lui expliquer l’arrivée dans l’île de la jeune indigène.

Pendant ces premiers jours de la tempête, les Esquimaux du cap des Glaces furent confinés dans leurs huttes. Ils ne pouvaient sortir et encore moins pêcher. Cependant, dans la nuit du 31 août au 1er septembre, mue par une sorte de pressentiment, Kalumah voulut s’aventurer sur le rivage. Elle alla ainsi, bravant le vent et la pluie qui faisaient rage autour d’elle, observant d’un œil inquiet la mer irritée qui se levait dans l’ombre comme une chaîne de montagnes.

Soudain, quelque temps après minuit, il lui sembla voir une masse énorme qui dérivait sous la poussée de l’ouragan et parallèlement à la côte. Ses yeux, doués d’une extrême puissance de vision, comme tous ceux de ces indigènes nomades, habitués aux ténèbres des longues nuits de l’hiver arctique, ne pouvaient la tromper. Une chose énorme passait à deux milles du littoral, et cette chose ne pouvait être ni un cétacé, ni un navire, ni même un iceberg à cette époque de l’année.

D’ailleurs, Kalumah ne raisonna même pas. Il se fit dans son esprit comme une révélation. Devant son cerveau surexcité apparut l’image de ses amis. Elle les revit tous, Mrs. Paulina Barnett, Madge, le lieutenant Hobson, le bébé qu’elle avait tant couvert de ses caresses au fort Espérance ! Oui ! c’étaient eux qui passaient, emportés dans la tempête sur ce glaçon flottant !

Kalumah n’eut pas un instant de doute, pas un moment d’hésitation. Elle