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le pays des fourrures.

« L’île devrait être là ! s’écria Sabine.

— Et elle n’y est plus ! répondit Marbre. Ah ça ! mon lieutenant, qu’est-elle devenue ? »

Mrs. Paulina Barnett, abasourdie, ne savait que répondre. Jasper Hobson ne prononçait pas une parole.

En ce moment, Kalumah s’approcha du lieutenant Hobson, lui toucha le bras et dit :

« Nous nous sommes égarés dans la vallée, nous l’avons remontée au lieu de la descendre, et nous nous retrouvons à l’endroit où nous étions hier, après avoir traversé pour la première fois la banquise. Venez, venez ! »

Et machinalement, pour ainsi dire, le lieutenant Hobson, Mrs. Paulina Barnett, Marbre, Sabine, se fiant à l’instinct de la jeune indigène, se laissèrent emmener, et s’engagèrent de nouveau dans l’étroit passage, en revenant sur leurs pas. Et pourtant les apparences étaient contre Kalumah, à consulter la position du soleil !

Mais Kalumah ne s’était pas expliquée, et se contentait de murmurer en marchant :

« Marchons ! vite ! vite ! »

Le lieutenant, la voyageuse et leurs compagnons étaient donc exténués et se traînaient à peine, quand, la nuit venue, après trois heures de route, ils se retrouvèrent de l’autre côté de la banquise. L’obscurité les empêchait de voir si l’île était là, mais ils ne restèrent pas longtemps dans l’incertitude.

En effet, à quelques centaines de pas, sur le champ de glace, des résines embrasées se promenaient en tous sens et des coups de fusil éclataient dans l’air. On appelait.

À cet appel, la petite troupe répondit, et fut bientôt rejointe par le sergent Long, Thomas Black, que l’inquiétude sur le sort de ses amis avait enfin tiré de sa torpeur, et d’autres encore, qui accoururent au-devant d’eux. Et, en vérité, ces pauvres gens avaient été bien inquiets, car ils avaient lieu de supposer — ce qui était vrai d’ailleurs, — que Jasper Hobson et ses compagnons s’étaient égarés en voulant regagner l’île.

Et pourquoi devaient-ils penser ainsi, eux qui étaient restés au fort Espérance ? Pourquoi devaient-ils croire que le lieutenant et sa petite troupe s’égarerait au retour ?

C’est que, depuis vingt-quatre heures, l’immense champ de glace et l’île avec lui s’étaient déplacés, et avaient fait un demi-tour sur eux-mêmes. C’est que, par suite de ce déplacement, ce n’était plus à l’ouest, mais à l’est de la banquise qu’il fallait désormais chercher l’île errante !