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le pays des fourrures.

les Indiens, au lieu d’être les pourvoyeurs de la Compagnie, luttaient pour l’indépendance de leur territoire ; précaution prise également contre les agents et les soldats des associations rivales, qui se disputaient autrefois la possession et l’exploitation de ce riche pays des fourrures.

La Compagnie de la baie d’Hudson comptait alors sur tout son domaine, un personnel d’environ mille hommes. Elle exerçait sur ses employés et ses soldats une autorité absolue qui allait jusqu’au droit de vie et de mort. Les chefs des factoreries pouvaient, à leur gré, régler les salaires, fixer la valeur des objets d’approvisionnement et des pelleteries. Grâce à ce système dépourvu de tout contrôle, il n’était pas rare qu’ils réalisassent des bénéfices s’élevant à plus de trois cents pour cent.

On verra d’ailleurs, par le tableau suivant, emprunté au Voyage du capitaine Robert Lade, dans quelles conditions s’opéraient autrefois les échanges avec les Indiens, qui sont devenus maintenant les véritables et les meilleurs chasseurs de la Compagnie. La peau de castor était à cette époque l’unité qui servait de base aux achats et aux ventes.

Les Indiens payaient :

Pour un fusil
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10 peaux de castors
Une demi-livre de poudre
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1      »            »      
Quatre livres de plomb
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1      »            »      
Une hache
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1      »            »      
Six couteaux
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1      »            »      
Une livre de verroterie
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1      »            »      
Un habit galonné
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6      »            »      
Un habit sans galons
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5      »            »      
Habits de femme galonnés
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6      »            »      
Une livre de tabac
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1      »            »      
Une boîte à poudre
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1      »            »      
Un peigne et un miroir
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2      »            »      

Mais, depuis quelques années, la peau de castor est devenue si rare, que l’unité monétaire a dû être changée C’est maintenant la robe de bison qui sert de base aux marchés. Quand un Indien se présente au fort, les agents lui remettent autant de fiches de bois qu’il apporte de peaux, et, sur les lieux mêmes, il échange ces fiches contre des produits manufacturés. Avec ce système, la Compagnie, qui, d’ailleurs, fixe arbitrairement la valeur des objets qu’elle achète et des objets qu’elle vend, ne peut manquer de réaliser et réalise en effet des bénéfices considérables.

Tels étaient les usages établis dans les diverses factoreries, et par con-