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l’avalanche.

d’un éclat magnifique. Une sorte de lumière extrêmement diffuse, réverbérée par l’icefield, éclairait légèrement l’atmosphère et prolongeait la portée du regard. Le lieutenant Hobson et le sergent Long, quittant le fort à neuf heures, se dirigèrent vers la portion du littoral comprise entre le port Barnett et le cap Michel.

Les deux explorateurs suivirent le rivage sur un espace de deux à trois milles. Mais quel aspect présentait toujours le champ de glace ! Quel bouleversement ! quel chaos ! Qu’on se figure une immense concrétion de cristaux capricieux, une mer subitement solidifiée au moment où elle est démontée par l’ouragan. De plus, les glaces ne laissaient encore aucune passe libre entre elles, et une embarcation n’eût pu s’y aventurer.

Jasper Hobson et le sergent Long, causant et observant, demeurèrent sur le littoral jusqu’à minuit. Voyant que toutes choses demeuraient dans l’état, ils résolurent alors de retourner au fort Espérance, afin de prendre, eux aussi, quelques heures de repos.

Tous deux avaient fait une centaine de pas et se trouvaient déjà sur l’ancien lit desséché de la Paulina-river, quand un bruit inattendu les arrêta. C’était comme un grondement lointain qui se serait produit dans la partie septentrionale du champ de glace. L’intensité de ce bruit s’accrut rapidement, et même il prit bientôt des proportions formidables. Quelque phénomène puissant s’accomplissait évidemment dans ces parages, et, particularité peu rassurante, le lieutenant Hobson crut sentir le sol de l’île trembler sous ses pieds.

« Ce bruit-là vient du côté de la banquise ! dit le sergent Long. Que se passe-t-il ?… »

Jasper Hobson ne répondit pas, et, inquiet au plus haut point, il entraîna son compagnon vers le littoral.

« Au fort ! Au fort ! s’écria le lieutenant Hobson. Peut-être une dislocation des glaces se sera-t-elle produite, et pourrons-nous lancer notre embarcation à la mer ! »

Et tous deux coururent à perte d’haleine par le plus court et dans la direction du fort Espérance.

Mille pensées assiégeaient leur esprit. Quel nouveau phénomène produisait ce bruit inattendu ? Les habitants endormis du fort avaient-ils connaissance de cet incident ? Oui, sans doute, car les détonations, dont l’intensité redoublait d’instant en instant, eussent suffi, suivant la vulgaire expression, « à réveiller un mort ! »

En vingt minutes, Jasper Hobson et le sergent Long eurent franchi les