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PRÈS DU BUT.

prouvé, dans ce cas, qu’il portait ombrage.

Ces raisonnements, un peu spécieux, n’étaient pas dénués de toute logique. L’aspect misérable de Serge Ladko, le courage surhumain qu’il avait dû déployer pour accomplir sa fantastique évasion, et surtout le souvenir du service autrefois rendu avec tant d’héroïque simplicité, firent le reste. Karl Dragoch devait la vie à ce malheureux qui haletait devant lui, les mains en sang, la sueur ruisselant sur son visage décharné. Allait-il, en retour, le rejeter dans l’enfer ? Le détective ne put s’y résoudre.

« Venez ! » dit-il simplement en réponse à l’exclamation joyeuse du fugitif, qu’il entraîna vers le fleuve.

Peu de paroles avaient été échangées entre les deux compagnons pendant les huit jours qui venaient de s’écouler. Serge Ladko gardait généralement le silence et concentrait toutes les forces de son être pour accroître la vitesse de l’embarcation.

En phrases hachées, qu’il fallait lui arracher en quelque sorte, il fit toutefois le récit de ses inexplicables aventures depuis le confluent de l’Ipoly. Il raconta sa longue détention dans la prison de Semlin, succédant à une séquestration plus étrange encore à bord d’un chaland inconnu. Ils mentaient donc, ceux qui prétendaient l’avoir vu entre Budapest et Semlin, puisque, durant tout ce parcours, il avait été enfermé, pieds et mains liés, dans ce chaland.

À ce récit, les opinions primitives de Karl