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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

— Je le crois, répondit le docteur.

— Quelle serait cette personne ?

— Un nommé Wilhelm Storitz.

Ce fut le capitaine Haralan qui prononça ce nom. Le chef de police ne sembla nullement surpris.

Le docteur apprit alors à M. Stepark que Wilhelm Storitz avait recherché la main de Myra Roderich, qu’il avait renouvelé sa demande, et qu’après un nouveau refus il avait menacé d’empêcher le mariage par des moyens qui défiaient toute puissance humaine.

— Oui, oui, dit M. Stepark, et il a commencé en lacérant l’affiche de mariage sans qu’on ait pu l’apercevoir.

Nous fûmes tous de cet avis.

Toutefois, notre unanimité ne rendait pas le phénomène plus explicable, à moins de l’attribuer à quelque sorcellerie. Mais c’est dans le domaine de la réalité que se meut la police. C’est au collet de gens en chair et en os qu’elle met sa main brutale. Elle n’a point l’habitude d’arrêter des spectres ou des fantômes. L’arracheur de l’affiche, le destructeur du bouquet, le voleur de la couronne, était un être humain parfaitement saisissable. Il ne restait qu’à le saisir.

M. Stepark reconnut ce qu’il y avait de bien fondé dans nos soupçons et dans les présomptions qui s’élevaient contre Wilhelm Storitz.

— Cet individu, dit-il, m’a toujours paru suspect, bien que je n’aie jamais reçu de plaintes à son sujet. Son existence est cachée. On ne sait trop comment il vit ni de quoi il vit. Pourquoi a-t-il quitté Spremberg, sa ville natale ? Pourquoi, lui, un Prussien de la Prusse méridionale, est-il venu s’établir en ce pays magyar peu sympathique à ses compatriotes ? Pourquoi s’est-il renfermé avec un vieux serviteur dans cette maison du boulevard Tékéli, où personne ne pénètre jamais ? Je le répète, tout cela est suspect… très suspect…