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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

J’entends d’ici l’objection qu’on peut me faire, à juste titre je le reconnais. Plutôt que le nom de forteresse, notre hôtel eût mérité celui de prison. C’est vrai, mais un emprisonnement est supportable quand il ne doit pas s’éterniser. Or le nôtre serait-il de longue durée ? Je ne le pensais pas.

Je ne cessais, en effet, de réfléchir à notre situation singulière, et, sans prétendre avoir pénétré le mystère indéchiffrable de Wilhelm Storitz, je n’étais pas sans faire un certain progrès dans cette voie.

Quelques mots d’explication, un peu arides peut-être, me paraissent ici nécessaires.

Quand on fait tomber sur un prisme un faisceau de rayons solaires, celui-ci se décompose, on le sait, en sept couleurs, dont l’ensemble donne la lumière blanche. Ces couleurs — violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge — constituent le « spectre solaire ». Mais cette gamme visible n’est peut-être qu’une partie du spectre complet. Il peut exister d’autres couleurs non perceptibles à nos sens. Pourquoi ces rayons, encore inconnus à l’heure actuelle, n’auraient-ils pas des propriétés entièrement différentes de ceux que nous connaissons ? Alors que ceux-ci ne sont capables de traverser qu’un petit nombre de corps solides, le verre par exemple, pourquoi ceux-là ne traverseraient-ils pas indistinctement tous les corps matériels[1] ? Si les choses se passaient réellement ainsi, rien ne nous en avertirait, puisque nos sens ne sont pas sensibles à ces rayons, supposé qu’ils existent. Il pouvait donc se faire qu’Otto Storitz eût découvert des rayons jouissant de ce pouvoir, et qu’il eût trouvé la formule d’une substance, qui, introduite dans l’organisme, aurait la double faculté de se répandre à sa périphérie et de modifier la nature des divers rayons contenus dans le spectre solaire. Ceci admis, tout s’expli-

  1. Depuis que ce manuscrit a été écrit, la découverte des rayons infra-rouges et ultra-violets a vérifié partiellement cette hypothèse.