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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

tanément, crois-le bien. Elle reprendra possession de son intelligence, elle reviendra à elle, à toi, à tous les siens…

— Tu veux que je ne désespère pas, me répondit Marc, d’une voix étouffée par les sanglots. Mais, quand bien même ma pauvre Myra recouvrerait la raison, ne sera-t-elle pas toujours à la merci de ce monstre ? Crois-tu donc, que sa haine soit apaisée par ce qu’il a fait jusqu’ici ? Et s’il veut pousser plus loin sa vengeance ?… S’il veut ?… Tu me comprends, Henri… Il peut tout, et nous sommes sans défense contre lui.

— Non, m’écriai-je, non, Marc, il n’est pas impossible de le combattre.

— Et comment ?… Comment ?… reprit Marc en s’animant. Non, Henri, tu ne dis pas ce que tu penses. Non ! nous sommes désarmés devant ce misérable. Nous ne pouvons lui échapper qu’en nous enfermant dans une prison. Et rien ne dit qu’il n’arrivera pas, malgré tout, à pénétrer dans l’hôtel.

L’exaltation de Marc ne me permettait plus de lui répondre. Il n’écoutait que lui. Il ajouta, en m’étreignant les mains :

— Qui te dit que nous sommes seuls en ce moment ? Je ne vais pas d’une chambre à l’autre, dans le salon, dans la galerie, sans me dire qu’il me suit peut-être !… Il me semble que quelqu’un marche près de moi… quelqu’un qui m’évite… qui recule lorsque j’avance… et qui disparaît quand je veux le saisir…

Tout en parlant d’une voix saccadée, Marc avançait, reculait, comme s’il eût été à la poursuite d’un être invisible. Je ne savais plus que faire pour le calmer. Le mieux eût été de l’entraîner hors de l’hôtel, de l’emmener loin, bien loin…

— Qui sait, reprit-il, s’il n’a pas surpris tout ce que nous venons de dire ? Nous le croyons loin. Il est peut-être ici. Tiens !… derrière cette porte, j’entends des pas… Il est là… Viens !… frappons !… Tuons !… Mais est-ce possible ?… Ce monstre, la mort a-t-elle prise sur lui ? »