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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

branches inférieures, étouffant le bruit de nos pas, nous commençâmes à nous rapprocher, nous aussi, de la maison.

Elle nous apparut quand nous fûmes parvenus à la lisière du massif. Un espace découvert, large d’une vingtaine de mètres, nous en séparait. Aplatis contre le sol, retenant notre respiration, nous regardâmes avidement.

Il ne restait plus que des pans de murailles noircies par les flammes, au pied desquelles gisaient des pierres, des morceaux de charpentes carbonisées, des ferrures tordues, des tas de cendres, des débris de mobilier.

Nous contemplions cet amoncellement de choses détruites. Ah ! que n’avait-on brûlé cet Allemand maudit comme on avait brûlé sa maison, et avec lui le secret de l’effroyable invention ! Le lieutenant et moi, nous fîmes, des yeux, le tour de l’espace découvert, et soudain nous tressaillîmes violemment. À moins de trente pas de nous, nous venions d’apercevoir le capitaine Haralan, aux aguets comme nous-mêmes à la lisière du taillis. À l’endroit où notre compagnon s’était arrêté, le massif se rapprochait par une courbe harmonieuse de l’angle de la maison, dont, seule, une allée large de six mètres environ le séparait. C’est vers cet angle, le plus proche de lui, que le capitaine Haralan tenait les yeux fixés. Il ne faisait pas un mouvement. Replié sur lui-même, les muscles tendus, prêt à bondir, il ressemblait à un fauve à l’affût.

Nous suivîmes la direction de ses regards, et nous comprîmes aussitôt ce qui les attirait. Un singulier phénomène se passait là, en effet. Bien qu’on ne vît personne, les décombres étaient animés de mouvements étranges. Lentement, prudemment, comme si les travailleurs eussent voulu éviter d’attirer l’attention, les pierres, les ferrures, les mille débris divers amoncelés en ce point étaient déplacés, repoussés, mis en tas.

Étreints d’une mystérieuse épouvante, nous regardions, les yeux exorbités. La vérité nous éblouissait. Wilhelm Storitz était