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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

sur la plaque de mon sac de voyage, déposé sur une des banquettes du rouf. C’était peut-être cela qui me, valait d’être dévisagé de cette façon.

Eh bien ! s’il savait mon nom, j’étais décidé à ignorer le sien, car le personnage m’intéressait fort peu.

La Dorothée fit escale à Mohacz, mais assez tard pour que, de cette ville assez importante, je n’aie vu que deux flèches aiguës, au-dessus d’une masse déjà noyée d’ombre. Je descendis cependant, et, après une excursion d’une heure, je rentrai à bord.

Embarquement de quelques passagers, et démarrage au point du jour, le 10 mai.

Pendant cette journée, l’individu en question me croisa plusieurs fois sur le pont, en affectant de me regarder d’un air qui décidément me déplaisait. Je n’aime pas à chercher querelle aux gens, mais je n’aime pas non plus qu’on m’observe avec cette persistance désobligeante. S’il avait quelque chose à dire, pourquoi cet impertinent ne me le disait-il ? Ce n’est pas avec les yeux que l’on parle dans ce cas, et, s’il ne comprenait pas le français, j’aurais bien su lui répondre en sa langue.

Toutefois, si j’en arrivais à interpeller le Teuton, mieux valait que j’eusse obtenu préalablement quelque renseignement à son sujet.

J’interrogeai le patron de la gabarre, et lui demandai s’il connaissait ce passager :

« Je le vois pour la première fois, me répondit-il.

— C’est un Allemand ? repris-je.

— À n’en pas douter, monsieur Vidal, et je pense même qu’il l’est deux fois, car il doit être Prussien.

— Eh ! c’est déjà trop d’une ! » m’écriai-je, réponse peu digne, je le concède, d’un esprit cultivé, mais que parut goûter le capitaine, qui était d’origine hongroise.

Dans l’après-midi, le bateau évolua à la hauteur de Zombor, trop éloignée de la rive gauche du fleuve pour qu’il soit possible