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LE SECRET DE WILHELM STORITZ

pas changé et que Myra Roderich ne cessa d’en être l’objet.

Un mot, je ne sais lequel, me rappela ce que m’avait dit à Paris, la veille de mon départ, le lieutenant de police. Rien dans les paroles de mon frère n’indiquait que son roman eût été troublé, fût-ce un jour. Et pourtant, si Marc n’avait pas de rival, du moins ce rival avait-il existé, puisque Myra Roderich avait été recherchée par le fils d’Otto Storitz. Rien d’étonnant, au surplus, qu’on eût demandé la main d’une jeune fille accomplie et dans une belle situation de fortune.

Naturellement, les paroles que j’avais cru entendre au moment où j’allais débarquer me revinrent alors à l’esprit. Je persistais à croire que j’avais été dupe d’une illusion. D’ailleurs, en admettant qu’elles eussent été réellement prononcées, quelle conclusion pouvais-je en tirer, puisque je ne savais à qui les attribuer ? J’aurais été assez porté à incriminer l’antipathique Allemand que nous avions embarqué à Pest. Mais il me fallait y renoncer, cet impertinent ayant quitté le bateau à Vukovar. Restait donc seulement, dans ce cas, l’hypothèse d’un mauvais plaisant.

Sans faire connaître cet incident à mon frère, je crus devoir lui toucher un mot de ce que j’avais appris relativement à Wilhelm Storitz.

Marc répondit d’abord par un geste de dédain des plus caractéristiques. Puis il me dit :

« En effet, Haralan m’a parlé de cet individu. C’est, paraît-il, le fils unique de ce savant, Otto Storitz, auquel, en Allemagne, on a fait une réputation de sorcier, réputation injustifiée d’ailleurs, car il a réellement tenu une place considérable dans les sciences naturelles, et il a fait des découvertes importantes en chimie et en physique. Mais la demande de son fils a été repoussée.

— Bien avant que la tienne eût été agréée, n’est-ce pas ?

— Quatre ou cinq mois avant, si je ne me trompe, répondit mon frère.