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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

Le capitaine Haralan, qui interrogea ce paysan, en obtint l’explication suivante : il marchait paisiblement, lorsqu’il avait ressenti soudain une violente secousse, comme si un homme vigoureux l’eût heurté par-devant, secousse si violente qu’il en avait été renversé. Quant à dire quel était son agresseur, cela lui était impossible, car en se relevant, il n’avait aperçu personne à proximité.

Quelle part de vérité contenait ce récit ? Le paysan avait-il réellement reçu un choc aussi brutal qu’imprévu ? Mais une poussée ne se produit pas sans qu’il y ait un pousseur, ne fût-ce que le vent. Or, l’air était parfaitement calme. Une seule chose était donc certaine, c’est qu’il y avait eu chute, et une chute en somme assez inexplicable.

De là cet attroupement.

Décidément, il fallait, ou que l’homme eût été en proie à une hallucination, ou qu’il fût pris de boisson. Un ivrogne tombe de lui-même, rien qu’en vertu de la loi de la chute des corps.

Ce fut, sans doute, l’opinion générale, bien que le paysan se défendit d’avoir bu, et, malgré ses protestations, la maréchaussée l’invita un peu rudement à circuler.

L’incident clos, nous suivîmes une des voies montantes qui se dirigent vers l’est de la ville. Il y a là un lacis de rues et de ruelles, un vrai labyrinthe dont un étranger ne pourrait sortir.

Enfin nous arrivâmes devant le Château, solidement campé sur une des croupes de la colline de Wolkang.

C’était bien la forteresse des villes hongroises, l’acropole, le « Var », pour employer le mot magyar, la citadelle du temps féodal, aussi menaçante pour les ennemis du dehors, Huns ou Turcs, que pour les vassaux du seigneur. Hautes murailles crénelées, bordées de mâchicoulis, percées de meurtrières, flanquées de grosses tours, dont la plus élevée, le donjon, dominait toute la contrée environnante.