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le sphinx des glaces

tembre 1830, en ralliant la terre des Sandwich, dont, le 1er janvier suivant, ils doublaient la pointe septentrionale. Il est vrai, six semaines après, le Lively venait malheureusement se perdre sur les Falklands, et, — il fallait l’espérer, — tel n’était pas le sort réservé à notre goélette.

Le capitaine Len Guy partait donc du même point que Biscoe, qui avait employé cinq semaines pour gagner les Sandwich. Mais, dès les premiers jours, très contrarié par les glaces au-delà du cercle polaire, le navigateur anglais avait dû se déhaler vers le sud-est jusqu’au quarante-cinquième degré de longitude orientale. C’est même à cette circonstance que fut due la découverte de la terre Enderby.

Cet itinéraire, le capitaine Len Guy le montra sur sa carte à Jem West et à moi, ajoutant :

« Ce n’est point, d’ailleurs, sur les traces de Biscoe que nous devons nous lancer, mais sur celles de Weddell, dont le voyage à la zone australe se fit en 1822 avec le Beaufoy et la Jane… La Jane !… un nom prédestiné, monsieur Jeorling ! Mais cette Jane de Biscoe fut plus heureuse que celle de mon frère, et ne se perdit pas au-delà de la banquise[1].

  1. C’est également aux Falklands, en 1838, que Dumont d’Urville, commandant l’Astrolabe, donnait rendez-vous à sa conserve la Zélée, pour le cas où les deux corvettes seraient séparées, soit par le mauvais temps, soit par les glaces, — et précisément à la baie Soledad. Cette expédition de 1837, 1838, 1839, 1840, au cours d’une navigation des plus périlleuses, amena le relèvement de cent vingt milles de côtes inconnues entre les soixante-troisième et soixante-quatrième parallèles sud, et entre les cinquante-huitième et soixante-deuxième méridiens à l’ouest de Paris, sous les dénominations de terres de Louis-Philippe et de Joinville. De l’expédition de 1840, conduite, en janvier, à l’extrémité opposée du continent polaire, — si tant est qu’il y ait un continent polaire, — résulta, entre 63° 3′ sud et 132° 21′ de longitude ouest, la découverte de la terre Adélie, puis, entre 64° 30′ sud et 129° 54′ de longitude est, celle de la côte Clarie. Mais, à l’époque où il quittait les Falklands, M. Jeorling ne pouvait avoir connaissance de ces faits géographiques d’une si grande importance. Nous ajouterons que depuis cette époque, quelques autres tentatives furent faites pour atteindre les hautes latitudes de la mer antarctique. Il y a lieu de citer, en dehors de James Ross, un jeune marin norvégien, M. Borchgrevinch, qui s’éleva plus haut que ne l’avait fait le navigateur anglais, puis le voyage du capitaine Larsen, commandant la baleinière norvégienne Jason, lequel, en 1893, trouva la mer libre au sud des terres de Joinville et de Louis-Philippe, et s’avança jusqu’au-delà du soixante-huitième parallèle.
    J. V.