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le sphinx des glaces

Il y eut quelques minutes d’inexprimables angoisses pour les témoins de cette scène. On ne songeait plus à la situation de l’Halbrane, si compromise qu’elle fût.

Bientôt une clameur éclata, lorsque Hunt fut aperçu une dernière fois entre deux lames. Il s’enfonça encore, puis, comme si son pied eût rencontré un point d’appui solide, on le vit s’élancer avec une surhumaine vigueur vers Martin Holt, ou plutôt vers l’endroit où le malheureux venait de s’engloutir…

Cependant, en gagnant un peu au plus près, dès que Jem West eut fait mollir les écoutes du petit foc et du tourmentin, la goélette s’était rapprochée d’une demi-encablure.

C’est alors que de nouveaux cris dominèrent le bruit des éléments déchaînés.

« Hurrah !… hurrah !… hurrah !… » poussa tout l’équipage.

De son bras gauche Hunt soutenait Martin Holt, incapable d’aucun mouvement, ballotté comme une épave. De l’autre, il nageait vigoureusement, et gagnait vers la goélette.

« Serre le vent… serre le vent !… » commanda Jem West au timonier.

La barre mise dessous, les voiles ralinguèrent avec des détonations d’armes à feu…

L’Halbrane bondit sous les lames, semblable au cheval qui se cabre, lorsque le mors le retient à lui briser la bouche. Livrée aux plus terribles secousses de roulis et de tangage, on eût dit, pour continuer la comparaison dont je me suis servi, qu’elle piaffait sur place…

Une interminable minute s’écoula. C’est à peine si l’on pouvait distinguer, au milieu des eaux tourbillonnantes, ces deux hommes dont l’un traînait l’autre…

Enfin Hunt rejoignit la goélette, et saisit une des amarres qui pendaient du bord…

« Arrive… arrive !… » s’écria le lieutenant, en faisant un geste au matelot du gouvernail.