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décision prise.

encore lorsqu’il l’avait quittée… Quant à l’existence d’Arthur Pym…

Néanmoins, devant cette affirmation de Dirk Peters, — laquelle, je dois en convenir, ne reposait sur rien de positif –, mon esprit ne se révoltait pas comme il aurait dû le faire !… Non !… Et lorsque le métis cria : « Pym n’est pas mort… Pym est là… Il ne faut pas abandonner le pauvre Pym ! » ce cri ne laissa pas de me causer un trouble profond…

Et alors, je songeai à Edgar Poe, et je me demandais quelle serait son attitude, peut-être son embarras, si l’Halbrane ramenait celui dont il avait annoncé la mort « aussi soudaine que déplorable… » !

Décidément, depuis que j’avais résolu de prendre part à la campagne de l’Halbrane, je n’étais plus le même homme, — l’homme pratique et raisonnable d’autrefois. Comment, à propos d’Arthur Pym, voici que je sentais mon cœur battre comme battait celui de Dirk Peters !… Quitter l’île Tsalal pour revenir au nord, vers l’Atlantique, l’idée me prenait que c’eût été se décharger d’un devoir d’humanité, le devoir d’aller au secours d’un malheureux, abandonné dans les déserts glacés de l’Antarctide !…

Il est vrai, demander au capitaine Len Guy d’engager la goélette plus avant dans ces mers, obtenir ce nouvel effort de l’équipage, après tant de dangers déjà bravés en pure perte, c’eût été s’exposer à un refus, et, au total, il ne m’appartenait pas d’intervenir en cette occasion ?… Et, cependant, je le sentais, Dirk Peters comptait sur moi pour plaider la cause de son pauvre Pym !

Un assez long silence avait suivi la déclaration du métis. Personne, à coup sûr, ne songeait à suspecter sa véracité. Il avait dit : « Je suis Dirk Peters », il était Dirk Peters.

En ce qui concernait Arthur Pym, qu’il ne fût jamais revenu en Amérique, qu’il eût été séparé de son compagnon, puis entraîné avec le canot tsalalien vers les régions du pôle, ces faits étaient admissibles en eux-mêmes, et rien n’autorisait à croire que Dirk