que ces hommes n’eurent pas la force de se retenir aux bastingages, et, vraisemblablement, on ne retrouverait jamais leurs corps que le courant avait dû entraîner au large.
Lorsque cette disparition de cinq des nôtres eut été constatée, le désespoir envahit tous les cœurs. Alors apparut plus vivement l’affreuse perspective de ces dangers qui menacent une expédition à travers la zone antarctique !
« Et Hearne ?… » dit une voix.
Martin Holt venait de jeter ce nom au milieu du silence général.
Le sealing-master, que nous avions oublié, n’avait-il pas été écrasé dans l’étroit réduit de la cale où il était enfermé ?…
Jem West s’élança vers la goélette, se hissa au moyen d’une amarre qui pendait de l’avant, et gagna le poste par lequel on pénétrait dans cette partie de la cale…
Nous attendions, immobiles et silencieux, d’être fixés sur le sort de Hearne, bien que ce mauvais génie de l’équipage fût peu digne de pitié.
Pourtant, combien de nous pensaient alors que si on eût écouté ses conseils, si la goélette avait repris la route du nord, tout un équipage n’en serait pas à n’avoir pour unique refuge qu’une montagne de glace en dérive !… Et dans ces conjonctures, ce que devait être ma part de responsabilité, moi qui avais tant poussé à la prolongation de cette campagne, c’est à peine si j’osais l’envisager !
Enfin le lieutenant reparut sur le pont, Hearne après lui. Par miracle, ni les cloisons, ni la membrure, ni le bordage n’avaient cédé à l’endroit où se trouvait le sealing-master.
Hearne se déhala le long de la goélette, rejoignit ses camarades, sans prononcer une parole, et il n’y eut plus à s’occuper de lui.
Vers six heures du matin, le brouillard se dissipa, grâce à un abaissement assez accentué de la température. Il ne s’agissait pas de ces vapeurs dont la congélation est complète, mais bien du phénomène appelé frost-rime ou fumée gelée, qui se produit quel-