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le sphinx des glaces

— Non, certes !

— Et puis, il y a autre chose qui l’a frappé comme moi, et qui ne semble pas avoir provoqué votre attention…

— De quoi s’agit-il ?…

— De ces meuglements qui se mêlent aux braiements des pingouins… Prêtez l’oreille et vous ne tarderez pas à les entendre. »

J’écoutai, et, évidemment, l’orchestre était plus complet que je ne l’avais supposé.

« En effet… dis-je, je les distingue, ces mugissements plaintifs. Il y a donc aussi des phoques ou des morses…

— C’est chose certaine, monsieur Jeorling, et j’en conclus que ces animaux, oiseaux et mammifères, très rares depuis notre départ de l’île Tsalal, fréquentent ces parages où nous ont portés les courants. Il me semble que cette affirmation n’a rien de hasardé…

— Rien, capitaine, pas plus que d’admettre l’existence d’une terre avoisinante. Oui ! quelle fatalité d’être enveloppés de cet impénétrable brouillard, qui ne permet pas de voir à un quart de mille au large…

— Et qui nous empêche même de descendre à la base de l’ice-berg ! ajouta le capitaine Len Guy. Là, sans doute, nous aurions pu reconnaître si les eaux charrient des salpas, des laminaires, des fucus, — ce qui nous fournirait un nouvel indice… Vous avez raison… C’est une fatalité !…

— Pourquoi ne pas essayer, capitaine ?…

— Non, monsieur Jeorling, ce serait s’exposer à des chutes, et je ne permettrai à personne de quitter le campement. Après tout, si la terre est là, j’imagine que notre ice-berg ne tardera pas à l’accoster…

— Et s’il ne le fait pas ?… répliquai-je.

— S’il ne le fait pas, comment le pourrions-nous faire ?… »

Et le canot, pensai-je, il faudra pourtant bien se décider à l’utiliser… Mais le capitaine Len Guy préférait attendre, et qui sait si, dans les circonstances où nous étions, ce n’était pas le parti le plus sage ?…